C’est gonflé !Nouveau format-manifeste de la chorégraphe Olivia Grandville, l’Unité Mobile d’Action Artistique installe ses bulles éphémères pour la toute première fois à Cognac. L’Avant-Scène profite de ce format inédit de Mille Plateaux-CCN de La Rochelle pour transformer Mars Planète Danse en une expérience chorégraphique hors des normes spectaculaires.

Dans son jardin public, début avril, Cognac va voir apparaître deux grandes bulles blanches, écrins éphémères d’où jaillira la danse dans des formats inédits et variés. Au commencement de l’aventure l’Unité Mobile d’Action Artistique (UMAA), il y a le désir de réinventer le lieu pour modifier le rapport aux œuvres.

Concept qu’Olivia Grandville avait déjà expérimenté avant son arrivée au Centre chorégraphique national de La Rochelle, en imaginant le Dancepark au Lieu Unique, à Nantes, espace courbe offert en carte blanche aux artistes.

Une bulle expérimentale

À la différence qu’ici, le « lieu » se déplace ! Quand les deux bulles (la mini et la maxi), imaginées par l’artiste néerlandaise Cocky Eek, se posent dans la ville, elles font événement en soi autant qu’elles obligent les structures et artistes à tout repenser : les formes esthétiques proposées, les conditions de la représentation, les manières de programmer, les façons de communiquer ou de penser l’accueil du public.

Bref, une mini-révolution qui rebat les règles du jeu du spectacle vivant. « L’UMAA permet des temporalités qu’on ne peut pas avoir au théâtre : quatre heures sans début ni fin, une installation vivante, la possibilité d’extraire des duos ou solos de trente secondes… C’est un endroit expérimental à tous les endroits. »

“Redéfinir la manière de rassembler les personnes”

Ce sera le cas à Cognac, où l’UMAA sera activée pour la première fois la première semaine d’avril, lors d’un nouveau rendez-vous chorégraphique, C’est gonflé !, remplaçant Mars Planète Danse. Est-ce à dire que l’UMAA viendra y gonfler ses bulles chaque année ? Non, précise Stéphane Jouan, directeur de l’Avant-Scène, qui a déjà en tête d’autres artistes, d’autres formats pour l’édition 2025.

Il se trouve que l’UMAA a rencontré la nouvelle ligne artistique de l’Avant-Scène qui, depuis 2023, se pense dans le théâtre (sa saison), hors le théâtre (Coup de Chauffe), mais aussi autour de lieux « qui peuvent redéfinir la manière de rassembler les personnes et de programmer ». C’est le cas du projet de la Maison sur le fleuve, mais aussi de l’UMAA. « On cherche, comme Olivia, à sortir des schémas institués. Cela ne va jamais de soi, ça n’est jamais simple, cela questionne. Olivia nous invite à une expérimentation, et c’est ça qui nous intéresse. »

Un lieu qui perturbe les sens

Premier changement de perspective et pas des moindres, on n’entre dans ces deux bulles qu’« un par un », dans un jeu de contact avec la matière, qui produit d’emblée le sentiment d’un atterrissage dans un autre espace-temps. « Quand on rentre, on ne sait plus très bien où on est. Et quand on en sort, on a une impression de temps suspendu. Cet espace, sans angle, sans face, perturbe tous nos repères », constate Olivia Grandville, ce que confirme Stéphane Jouan. « Arriver dans cette bulle, c’est un peu comme être projeté dans 2001 l’Odyssée de l’espace ! C’est perturbant, il faut trouver sa place, car il n’y a pas de siège, une lumière étrange. »

Séverine Lefèvre, une des trois chorégraphes de La Tierce, compagnie associée au CCN de La Rochelle, rapporte qu’« y danser devient vertigineux, on est sans repère. Quand on y entre, l’espace semble infini, sans horizon ». Pour le public il s’agira donc d’éprouver une expérience, d’être invité à perdre ses repères et ne pas vraiment savoir ce qu’il va s’y passer. Vrai défi de communication et de gestion de l’accueil public, que l’Avant-Scène a réglé en plaçant son C’est gonflé ! en accès libre, sans billetterie, et en suggérant des parcours par mode d’adresse (festif, musical, enfants, etc.)

C’est aussi une toute nouvelle manière de proposer des formes pour les artistes associés au projet tels que La Tierce, le collectif ÈS, Jocelyn Cottencin, I-Fang Lin ou César Vayssié. « Cela nous demande de réinventer les formats, de repenser la place de l’auteur, de penser les choses aussi en commun », témoigne Séverine Lefèvre. Une fois en tournée, « c’est aussi un vrai engagement sur plusieurs jours. À Cognac, on va tout expérimenter. Cela va être à la fois très joyeux, et épuisant » !

Veillée, koréoké et air concert

À Cognac, l’UMAA ne présentera presque aucune forme en boîte noire, sinon Construire un feu de La Tierc, et le concert d’ouverture aux Abattoirs de BCUC. Sous les bulles et dans le jardin, la programmation naviguera parmi les propositions multi-facettes de l’UMAA : une veillée (diurne) où pendant quatre heures des danseurs se relaient toutes les dix minutes pour un continuum de gestes, un air concert baroque, un duo paysage Twins, un Koréoké, des DJ sets, une installation concert, un duo pour un artiste non danseur et un danseur CoProud, un solo intime de la danseuse I-Fang Lin, le Jackpot du collectif ÈS, compagnie associée, ou le Potlatch, partage de pratiques de danse d’un à un.

Après sa première à Cognac, l’UMAA a déjà prévu son nomadisme à venir : elle regagnera fin mai La Rochelle, puis voyagera au gré du festival Transforme de la Fondation Hermès, du Théâtre de la Cité internationale à Paris à Lausanne, en passant par Lyon, Clermont-Ferrand et Rennes. Consciente que pour l’heure ce sont « des gros lieux, avec des moyens », qui peuvent accueillir sa structure mobile, Olivia Grandville réfléchit déjà à « comment transposer ce format avec d’autres moyens plus modestes. Pour la deuxième saison de l’UMAA, nous irons chercher des soutiens pour que cette pensée irrigue les territoires différemment, et puisse être accueillie dans les lieux qui ne sont pas forcément des théâtres ».

Stéphanie Pichon

Informations pratiques

C’est gonflé !,
du mardi 2 au dimanche 7 avril,
Cognac (16).

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