CHÂTEAU PETIT-VILLAGE ET CHÂTEAU BEAUREGARD
À l’instar de Beaune, Pomerol possède un nom vinique sacré. Notoriété oblige, au-dessus des AOC bordelaises flotte gaillardement un drapeau de brocart garni de franges d’or. Pomerol renvoie pourtant à une appellation riquiqui de 800 hectares, soit moins de 1 % de la surface du vignoble bordelais, pour un peu moins de 140 acteurs viticoles. Une appellation discrète dans laquelle s’illustrent les merlots, le roi Pétrus, mais également sur de beaux plateaux Château Petit-Village et en face l’élégant Château Beauregard. Vincent Priou et Guillaume Fredoux, l’attelage de techniciens et véritables mémoires des terroirs, sous l’œil d’Augustin Belloy le propriétaire, imaginent des vins profonds pour les deux domaines, touchés par la grâce de rares cabernets francs sublimés par des sols vivants.
À la suite de l’achat, en 2014, avec les Cathiard, du Château Beauregard, Augustin et Laurène Belloy font l’acquisition en 2020 du voisin Château Petit-Village. Le rachat de cette pépite fait sens dans la mesure où le nouvel ensemble viticole mutualisera outils, savoir-faire et équipes, Vincent Priou et Guillaume Fredoux en tête. Quelques mètres et une route séparent les deux propriétés ; ce qui permettra au Château Petit-Village d’entamer dans le sillage du Château Beauregard une conversion en bio, fort de l’expertise de ce dernier.
Comme le rappelle Augustin Belloy, les deux entités ont bien deux personnalités distinctes, des terroirs et des styles différents. Le néophyte pourra s’en étonner, vu leur proximité, mais la notion de terroir, souvent galvaudée, prend ici tout son sens. La topographie, les expositions, les sols argilo-graveleux ou de graves argileuses les distinguent, auxquels on ajoutera bien entendu des pratiques culturales, une gestion des sols jusqu’alors différentes. Ici, on dit tout haut que la conversion apporte aussi tension et éclat aux vins et aux lieux un supplément d’âme. On n’en attendait pas moins. La dégustation de Petit-Village et de Beauregard révélera deux beaux ténors soyeux et tendres, annonçant, à ce stade, une ampleur et une grâce toute particulière chez Beauregard.

Un avenir hospitalier
Château Beauregard, acquis dès 2014, et déjà en bio, débuta plus tôt son orientation oenotouristique, s’appuyant il est vrai sur une chartreuse du XVIIIe siècle, une histoire architecturale, culturelle à raconter. Une histoire viticole initiée par les anciens propriétaires : les Hospitaliers de Saint-Jean-de-Jérusalem qui firent connaître le cru dès le Moyen-Âge. Les noms de châteaux empreints de religiosité courent les rues à Pomerol. L’élégant parc bicentenaire de la chartreuse donnera bientôt l’occasion d’effectuer une visite qui s’articulera autour de la préservation de la richesse faunistique et floristique des lieux et rendra compte de la démarche en viticulture biologique du Château Beauregard. Un peu de pédagogie s’impose.
Un pomerol prend de la hauteur
Petit-Village fait depuis 2020 l’objet d’une attention particulière dans la mesure où les anciens responsables en faisait bien souvent un bel accessit issu du large portefeuille d’AXA. La situation particulièrement intéressante de ce vignoble de 10 hectares, sur un petit plateau drainant, le place pourtant d’emblée dans la cour des très grands crus. L’ambition est clairement affichée de revoir l’écrin et le positionnement de cet institutionnel timide. La discrète vigie des vignes fera très vite l’objet de travaux d’embellissement. Il fallait en particulier rendre compte à travers un belvédère bientôt refait de l’emplacement exceptionnel de ce vignoble triangulaire d’un seul tenant, rendre compte de sa proximité avec les illustres voisins Vieux Château Certan, L’Évangile, La Conseillante, Le Pin et Pétrus. Quelques raisons de penser, se dit-on, qu’on possède ici même à Petit-Village les conditions pour faire un grand pomerol. « On veut exploiter ce point de vue, une trentaine de mètres d’altitude tout de même, et à travers la construction d’un belvédère montrer la place qu’occupe ce cru à Pomerol », s’enthousiasme l’acquéreur Augustin Belloy.

Sélection massale et grands cabernets francs
Le plateau graveleux argileux du Château Petit-Village garantit une ventilation idéale, évitant les trop grosses pressions des maladies cryptogamiques. Il offre encore l’épanouissement de merlots frais, mais aussi de cabernets francs menés à maturité d’une très grande finesse, dont on se dit, à la dégustation, qu’ils assoient ce vin dans un écrin d’épices
douces. Guillaume et Vincent s’appuient sur une sélection massale de deux parcelles de complantation de cabernet franc et sauvignon datant de 1949 et 1952. Un matériel végétal propre à la propriété et adapté aux sols. Il paraissait tout aussi logique de passer en bio si l’on voulait parfaire encore l’éclat de ce vin, lui donner tension et fraîcheur, exploiter au mieux ce patrimoine ampélographique. Amphores, barriques de 225 ou de 500 litres, à Petit-Village, on n’élabore aucun lot entièrement dans l’un ou l’autre des contenants. Vincent Priou recherche un peu de cette délicate
complémentarité.
Émotion holistique
Pomerol, à l’accueil un rien janséniste parfois, s’est trouvé deux représentants de la viticulture de demain, pas tout à fait agroécologues, mais en phase avec les aspirations sociétales légitimes.
Château Petit-Village entame une mue salutaire pour sublimer des terroirs magnifiques. Château Beauregard est un cru qui démontre que l’approche holistique du métier de vigneron charge les vins d’une émotion particulière.
Henry Clemens
Château Beauregard
73, rue de Catusseau
33500 Pomerol
05 57 51 13 36
www.chateau-beauregard.com
Château Petit-Village
126, route de Catusseau
33500 Pomerol
05 57 51 21 08
www.petit-village.com