RECONVERSION
Lancée dans une carrière de commerce internationale, Émeline Pereira a bifurqué sur un coup de tête, comme une lame de ciseaux glissant sur un tissu trop lisse. Fini les cargos pleins de vins direction la Chine, place à la couture et à un projet 100 % bordelais. Pour enclencher ce nouveau départ, l’historique Philomathique l’a formée durant deux ans.

La Société philomatique est une institution. Ses plus de 200 ans d’existence ont vu défiler 118 meilleurs ouvriers de France, dans son prestigieux bâtiment de la rue Abbé-de-l’Épée, à Bordeaux (lire par ailleurs). Cette porte séculaire, Émeline Peirera l’a poussée voici deux ans, alors que germait tout juste dans son esprit une idée de reconversion professionnelle la faisant pivoter à 180 degrés.
D’abord formée au commerce international, la vingtenaire débute sa carrière en alternance dans la région bordelaise, spécialité import/export maritime. L’organisation du transport, l’obtention des autorisations administratives, les droits de douanes : le métier rentre en travaillant notamment avec le milieu du vin bordelais dont le marché asiatique reste friand. Un obstacle se dresse néanmoins, la maîtrise de l’anglais. C’est pour la parfaire qu’Émeline décide alors de s’exporter un an en Irlande. Un crochet qui deviendra un virage.
Serveuse dans un coffee shop de Dublin le jour, Émeline renoue avec un vieux hobby durant ses soirées, la couture. « J’ai suivi des cours. C’était pratique pour rencontrer des gens, et je n’avais que ça à faire ! Jusque-là, je n’avais fait que bidouiller avec une machine qui fonctionnait mal… Mais là j’ai pu m’y consacrer avec, en plus, une immense mercerie située à deux pas de mon appartement. »
De retour à Bordeaux, c’est l’heure du choix : un master déjà planifié dans l’achat international dans une école de commerce, suite logique de son parcours de « bonne élève », ou l’aventure des vêtements. Déçue par son alternance et gonflée à bloc par le contact retrouvé avec une activité manuelle et créative, sa balance penchera vers le métier passion.
Place d’abord au Greta de Bordeaux, pour un CAP couture flou. « À 25 ans j’étais la plus jeune au milieu de beaucoup de reconvertis : comptables, éducatrices spécialisées, d’autres venus simplement pour le challenge ! » Au RSA et financée via son CPF, elle obtient son diplôme. Insuffisant néanmoins pour se lancer. « Je me disais qu’en un an, j’aurais tout appris, au lieu des deux ans habituels. Et on a envie d’aller vite quand on repart de zéro ! Mais pas du tout, j’apprends encore aujourd’hui… »

De plus, son envie de faire du « tailleur », a contrario du vêtement flou (souple et déstructuré), l’amène à poursuivre sa formation à la Philomathique. Le tailleur, c’est l’art de contrarier le vêtement, lui donner une coupe régulière et ajustée. Mais peu d’entreprises existent localement sur ce secteur. Et seule la « Philo » propose une formation spécialisée et accessible. Des stages réalisés à l’Opéra de Bordeaux et chez un retoucheur-tailleur convainquent l’équipe pédagogique de l’intégrer, malgré son âge. Car à 27 ans, elle sera désormais la plus ancienne de sa classe.
Dans cette promotion d’une dizaine de femmes, l’apprentissage est qualitatif, délivré par des professionnels dans de grandes salles au parquet lustré. Émeline y apprend à modéliser ses pièces, réaliser les patronages, les découper et les assembler. Soit l’ensemble du processus de fabrication du vêtement, du choix du tissu à ses derniers ajustements. Elle passe ainsi un second CAP tailleur dame en candidature libre. Nouvelle réussite.

Reste à construire un projet professionnel dans un écosystème bordelais qui dispose d’un angle mort : le semi-mesure féminin. « L’idée est de moderniser l’image du tailleur dans une fabrique 100 % bordelaise. Seule la laine est importée, en provenance d’Italie et d’Angleterre. » Le principe du semi-mesure s’appuie sur des patrons préalablement dessinés, puis adaptés au client. Manteaux, vestes et pantalons : sa marque baptisée « Odace » propose à chacune de passer dans son showroom pour la prise de mesures et le choix de tissu et de boutons créés par ses soins. « J’aime les choses uniques. J’essaye de proposer une offre où chacun fournit un effort : le créateur en rognant sur ses marges, et le client en déboursant un peu plus qu’avec du prêt-à-porter classique. Que chacun se retrouve sur le chemin. » Car 25 à 30 heures de travail sont nécessaires pour réaliser un manteau et 10 à 15 heures pour une veste. Une autre idée de la consommation locale, loin de la standardisation. Et une nouvelle vie taillée comme un gant pour Émeline.
Thibault Clin
odace-tailleur.fr
9, rue de la Franchise
33000 Bordeaux
odace.tailleur@gmail.com
LA « PHILO », UN ESPRIT ET UNE MODERNITÉ
Association reconnue d’utilité publique, la Philomathique de Bordeaux forme aux métiers d’art, d’artisanat et du digital. Fondée en 1808, elle a su forger des formations professionnelles, des ateliers d’initiation et de perfectionnement, ou encore des actions d’intérêt général, faisant autorité dans l’artisanat (menuisier, tapissier décorateur, couturier…), mais aussi dans le développement web depuis la création d’une filière en 2015.
À la « Philo », c’est la logique d’excellence qui prime. Une trentaine de professionnels assurent ses formations.
MADE IN FRANCE
Le Palais des Congrès de Bordeaux accueille la toute première édition délocalisée du salon du Made in France, événement créé à Paris il y a 10 ans. 100 stands ouverts, 10 000 visiteurs sont attendus pour échanger autour de secteurs qui produisent sur le territoire : gastronomie, beauté, mode ou encore art de vivre.
Made in France,
du vendredi 11 au dimanche 13 mars,
Palais des Congrès, Bordeaux (33).
mifexpo.fr/mif-expo-bordeaux
CHANGEMENT À LA TÊTE DU CAMPUS DU LAC
Catherine Othaburu (ex-Formasup) vient d’être nommée présidente du Campus du Lac, l’école professionnelle de la Chambre de Commerce et d’Industrie Bordeaux Gironde. Elle succède à Christian Sauvage et devra conduire la construction d’un nouveau bâtiment à Libourne et travailler aux nouveaux axes de formation, comme le numérique. Le Campus forme simultanément 1 800 apprentis dans les secteurs de la restauration, du tertiaire, du design d’espace et du design digital, et emploie 200 personnes.
DEUX FOIS PLUS D’ÉTUDIANTS AU PAYS BASQUE D’ICI 10 ANS ?
L’Université de Pau et des Pays de l’Adour va développer son ancrage au Pays basque à travers le projet Irekia. Des formations post-bac vont être développées par la fac paloise et la communauté d’agglomération Pays basque afin de doubler le nombre d’étudiants au Pays basque d’ici 10 ans. Retenu au plan national, le projet bénéficie de près de 9 millions d’euros afin d’achever une transformation estimée à 34 millions d’euros sur une décennie.
UN BTS PRODUCTION HORTICOLE À NIORT
Le lycée professionnel horticole Gaston-Chaissac de Niort va inaugurer un BTS production horticole à la rentrée 2022. Un métier en vogue qui s’est perfectionné et demande à présent des compétences supérieures au niveau CAP ou bac pro. L’exploitation maraîchère et arboricole de Chantemerle, située à proximité, est l’un des atouts de ce site de formation.