À Bordeaux puis à Pau, la chorégraphe Mette Ingvartsen tombe les gradins et brouille les pistes avec The Dancing Public, entre conférence historique, rave en solo et danse contagieuse. Tout autour d’elle, le public.

La figure est grimaçante, l’énergie dévorante, les gestes excessifs. Seule en piste, Mette Ingvartsen déploie une danse de contagion dans un espace théâtral qu’elle a débarrassé de (presque) tous ses apparats. Disparus les gradins, oubliée la distance entre la performeuse et le public. Deux espaces vont êtes investis en Nouvelle-Aquitaine, la Maison des Arts de l’Université Bordeaux Montaigne le 21 mars et Le Forail à Pau le 23 mars.

Ce grand corps à la chevelure blonde et en mini-short se déplace sur des beats electro au milieu d’une foule rassemblée autour d’elle. Et c’est comme un lointain écho aussi à sa jeunesse passée dans les raves, où le corps pouvait danser des heures durant sans jamais se lasser.

Là, sur des plateformes rappelant les night-clubs, entre des lumières au néon, elle parle et danse à s’épuiser, fait de la pédagogie et de la poésie, chante et crie, tout en naviguant dans quelques chapitres sombres de l’histoire des manies dansantes, ces danses collectives contagieuses — de la danse de Saint-Guy de 1518, à Strasbourg, aux marathons de danse du XXe siècle, concours où la classe populaire s’éreintait parfois jusqu’à la mort.

The Dancing Public, le geste et le verbe

The Dancing Public apporte une nouvelle pierre à l’œuvre performative de la chorégraphe danoise dont le travail questionne depuis ses débuts le corps dans toutes ses représentations sociales ou politiques. La dernière fois qu’on l’avait vue opérer en solo, c’était dans All around aux côtés du batteur Will Guthrie : un tournoiement étourdissant, sans artifice aucun si ce n’est celui du rythme et d’un néon aux couleurs changeantes (encore), comme un concert dansé.

Dans ce solo-ci, la chorégraphe nous plonge plutôt dans une rave parlée, où elle met le discours savant à l’épreuve du geste, croise la conférence historique à de hautes sensations physiques, dans un mélange proche de son solo 69 positions, qui consistait en une joyeuse visite guidée corporelle à travers les archives des performances sexuelles du XXe siècle.

Danse à partager

The Dancing Public a été pensé juste avant la crise sanitaire, et se charge aujourd’hui aussi de ce désir d’être au contact les uns des autres. Comment partager la danse en tant qu’espace social plutôt qu’esthétique ? Comment faire vibrer les corps d’une pulsation commune sans forcément en passer par le défoulement collectif ?

Mette Ingvartsen y répond en déviant nos manières de regarder et de recevoir un corps dansant, dans sa façon de frôler le public, d’être au plus près, tout en gardant une distance. Chacun est obligé de négocier une place, sa place, dans l’espace communautaire éphémère qu’elle construit.

Stéphanie Pichon

Informations pratiques

The Dancing Public, concept et performance Mette Ingvartsen
Mardi 21 mars, 19h30, Maison des Arts – Université Bordeaux Montaigne, Pessac (33).
Jeudi 23 mars, 20h, Le Foirail, Pau (64).

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