À Poitiers, le musée Sainte-Croix crée l’événement en présentant une partie d’un don aussi unique qu’exceptionnel d’Eugénie Dubreuil.
Niki de Saint Phalle, Marie-Laure de Noailles, Marie Laurencin, Dora Maar… Quelques noms, à la volée, d’une fabuleuse collection, à découvrir jusqu’à la mi-mai au musée Sainte-Croix de Poitiers, et dont la genèse est tout aussi fascinante.
Une collection féminine
Fin des années 1990, Eugénie Dubreuil, ancienne enseignante en arts plastiques, fraîchement retraitée de l’Éducation nationale, se rend chez Drouot pour une vente aux enchères dédiée à la collection de Guillaume Apollinaire. Elle y fait l’acquisition d’un dessin — une feuille arrachée à un carnet de Marie Laurencin. Une épiphanie. Sans le savoir, elle vient de plonger à corps perdu. Tant d’œuvres, par ailleurs invisibles, à portée de main, laissées à vil prix parce que signées par des femmes…
Dès lors, Eugénie Dubreuil fait feu de tout bois, achetant dessins, estampes, photographies, peintures, sculptures. Il n’est pas question de monter une collection, ni de laver l’honneur d’un travail mis sous le boisseau. Le temps passant, la passion devient conséquente. Dans son atelier d’artiste du XIIIe arrondissement de Paris, Eugénie Dubreuil expose sans chichi ni tra-la-la sa « collection » tout en archivant avec application ses acquisitions.
Renonçant au projet fou d’ouvrir son propre musée, souhaitant transmettre ce fonds, elle sollicite un établissement de Brive-la-Gaillarde, sa ville natale, qui l’aiguille vers la Direction régionale des affaires culturelles, qui, à son tour, songe au Sainte-Croix à Poitiers. Entamés en 2022, les pourparlers aboutissent, en 2024, à l’actuel legs — 200 pièces en dépôt au musée — qui permet au bijou brutaliste de doubler ainsi le nombre d’œuvres signées par des femmes de sa collection !
Faire la part-belle au Matrimoine
Avec « La Musée. Une collection d’artistes femmes », Manon Lecaplain, directrice du musée, et Camille Belvèze, conservatrice et co-commissaire, proposent un voyage à travers 300 œuvres, du XVIIe siècle à nos jours, des scènes de jeux d’enfants gravées par Claudine Bouzonnet-Stella (1636–1697) aux Éclairs (2012) peints par Sarrita King (née en 1988).
Aux côtés de figures incontournables et établies — Rosa Bonheur, Sonia Delaunay, Berthe Morisot, Suzanne Valadon —, le parcours fait également la part belle à des artistes plus confidentielles, voire inconnues tout en réhabilitant des genres et des pratiques graphiques trop longtemps considérés comme « mineurs » telle la nature morte.
Refusant la succession de biographies individuelles, l’exposition propose un parcours thématique autour de trois axes — la collectionneuse, la collection, l’institution — afin de traduire « la singularité du projet par rapport aux expositions non mixtes essaimant ces dernières années : l’entrée d’une collection privée, issue d’un engagement individuel, dans la sphère publique et dans le patrimoine – ou plutôt le matrimoine – commun ».
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Information Pratiques
« La Musée. Une collection d’artistes femmes »,
jusqu’au dimanche 18 mai,
musée Sainte-Croix, Poitiers (86).