De fugues… en suites… ou comment s’échapper au cœur de la nouvelle création virtuose que nous offre le chorégraphe franco-burkinabè Salia Sanou, lors de deux soirées hors du temps à Pau.
Quel refuge existe-t-il encore face à notre assourdissant monde sens dessus dessous ? L’intimité, répondrait Salia Sanou, grand nom de la danse contemporaine, avec sa création De fugues… en suites... L’intimité, celle avec soi-même, mais aussi celle que l’on partage avec d’autres. Ici, ce safe space pour six danseuses, au sein duquel le véritable échange redevient possible, est tout entier façonné par de multiples tissages.
Musicaux d’abord, puisque les mélodies de Bach (auxquelles le titre fait référence, les Fugues et les Suites) se marient à des rythmes electro, à la kora et au balafon des musiques traditionnelles africaines.
Patchwork sonore
Sur ce patchwork sonore, se dessine une chorégraphie ultraprécise, elle-même faite de tressages d’esthétiques. De lentes et amples ondulations des corps contrastent avec des pas à la rapidité millimétrée, avant qu’explosent des mouvements telluriques tout en vibrations.
Et dans cette suite de variations, on se surprend à trouver des ressemblances entre des gestes, des résonances entre des sonorités, venus de contrées et de styles pourtant éloignés. S’exprime ainsi la patte de Salia Sanou, formé aux danses traditionnelles africaines, jusqu’à sa découverte de la danse contemporaine en 1993 auprès de Mathilde Monnier, figure phare du genre.
Ça vibre, ça pulse, ça respire
Ici, la rencontre des altérités, chère au chorégraphe, se manifeste jusque dans les parcours et les origines des six interprètes, du jazz au hip-hop en passant par le classique, de la Colombie à l’Ukraine en passant par le Mali. Cet éclectisme des identités est mis en jeu au plateau, où alternent mouvements d’ensemble, tel un chœur à l’unisson, sans que s’effacent pour autant les singularités, et éclatement du noyau aux quatre coins de la scène, pour des instants à soi.
Au travers d’une palette d’émotions entre allégresse et gravité, les danseuses s’accordent, parfois se confrontent, d’autres fois semblent se confier. Ça vibre, ça pulse, ça respire. C’est une conversation à voix multiples qui se compose, un vivre-ensemble qui s’invente, dont la chaleur enveloppante rappelle celle d’un rêve, loin des affres du dehors, quelque part dans les souvenirs d’enfance du chorégraphe. Un havre de délicatesse que l’on emporte avec soi, et auquel il est bon de revenir…
Hannah Laborde
Informations pratiques
De fugues…en suites…, Salia Sanou — Compagnie Mouvements perpétuels,
conception et chorégraphie Salia Sanou,
mardi 6 et mercredi 7 mai, 20h,
Espaces Pluriels, Pau (64).