En mai, tout ce qui nous plaît : pendant qu’il pleut des cordes sur la Gironde, deux des meilleurs ensembles français (Pygmalion et La Tempête) proposent, à Brive-la-Gaillarde et Bordeaux, de passionnants programmes thématiques autour de figures féminines.
Odyssée méditerranéenne
À travers la figure de la Sibylle, c’est un archétype féminin que convoque Simon-Pierre Bestion avec son ensemble La Tempête. Capable de proférer des oracles et de naviguer entre le monde des vivants et des morts, la Sibylle permet à la compagnie de s’aventurer sur tout le pourtour méditerranéen, du baroque espagnol ou italien (Morales, Lassus, Monteverdi) aux musiques instrumentales, vocales et polyphoniques issues du bassin méditerranéen, grecques, chypriotes, sardes, persanes ou libyennes.
Ce voyage à travers les époques et les pays est porté par quinze musiciens-chanteurs sur un instrumentarium bigarré (incluant l’oud, le qanoûn, le doudouk ou le ney). Et boucle la boucle en invitant le compositeur franco-libanais Zad Moultaka (né en 1967) à produire pour l’occasion une œuvre inspirée d’un rituel de tirage du Yi Jing… et d’un fragment d’Héraclite : « Le feu se repose en changeant. »
Les concerts de La Tempête sont toujours de grands moments de communion collective et de découvertes musicales ;on n’a pas oublié ce concert Jerusalem de 2021 qui s’acheva en mode klezmer sur le parvis de l’église Notre-Dame de Bordeaux ! À ne pas rater, le 13 mai, à Brive-la-Gaillarde.
- La date : Sibylle(s), Simon-Pierre Bestion – Compagnie La Tempête, mardi 13 mai, 20h, Théâtre de Brive, L’Empreinte scène nationale Brive-Tulle, Brive (19).
Au bonheur des drames
« Il y a deux espèces de musique, la bonne et la mauvaise. Et puis il y a la musique d’Ambroise Thomas », déclarait le compositeur Emmanuel Chabrier (1841-1894) au sujet de son aîné, dont les opéras connurent, sous le Second Empire une immense et internationale fortune. Directeur du Conservatoire de Paris à partir de 1871, Ambroise Thomas n’eut de cesse d’en barrer farouchement l’entrée au jeune et moderne Gabriel Fauré (1845-1924), jusqu’à sa mort en 1896.
Autour de la figure d’Ophélie, Raphaël Pichon rapproche pourtant les deux compositeurs en mettant en regard deux de leurs œuvres phares : l’opéra Hamlet (1868) de Thomas et le sublime Requiem de Fauré, dans la version pour orchestre symphonique publiée en 1900, sept ans après la version d’église. Avec, en guise de parfait trait d’union entre les deux, Tristia, fascinant triptyque pour chœur et orchestre dédié par Hector Berlioz en 1852 au héros shakespearien…
Pour ce dialogue au sommet, Raphaël Pichon, à la tête de son ensemble Pygmalion, peut compter sur deux voix magnétiques, magnifiquement rompues à ces répertoires : la soprano Sabine Devieilhe (qui a incarné Ophélie à l’Opéra-Comique en 2018 et 2022) et le baryton Stéphane Degout (qui a enregistré une très belle version du Requiem avec Laurence Equilbey).
Par-delà leurs oppositions, les deux compositeurs s’imposent avant tout, dans ce Requiem pour Ophélie exécuté sur instruments d’époque, et présenté mi-mai à l’Opéra de Bordeaux, comme des mélodistes hors pair, dotés en outre d’un puissant sens dramatique.
Les dates :
- Pygmalion, direction Raphaël Pichon, jeudi 15 mai, Auditorium, Bordeaux (33).
- Mercredi 14 mai, 17h, conférence de Raphaël Pichon et Clément Rochefort autour du Requiem de Fauré, Grand-Théâtre, Foyer Rouge, Bordeaux (33).
Pluie de cordes
C’est déjà la 11e édition du Concours international de quatuors à cordes de Bordeaux, organisé (à raison d’une édition sur deux) dans le cadre de Vibre !, rendez-vous biennal dédié au quatuor à cordes et placé sous la direction artistique du Quatuor Modigliani.
De Bordeaux à Gradignan, en passant par Saint-Émilion, Vibre ! fait alterner, huit jours durant, le suspense de la compétition et les concerts de quelques grands quatuors. Parmi ceux-ci, bien sûr, les Modigliani, qui mettront en regard le sublime Quatuor de Maurice Ravel (1875-1937) et La Oración del Torero de Joaquín Turina (1882-1949), qui partagent plus d’une affinité malgré les 20 années qui les séparent.
Le Quatuor Ébène, quant à lui, confrontera trois quatuors de Beethoven (dont la fameuse Grande Fugue) avec une création de son ancien violoncelliste, Raphaël Merlin. Enfin, il incombera à la pianiste Anne Quéfellec de conduire le traditionnel concert des jurés du festival, réunissant la crème des chambristes européens. De quoi vibrer, assurément !
- La date : Vibre !, quatuors à cordes, direction artistique Quatuor Modigliani, du samedi 17 au dimanche 25 mai.
David Sanson