Après plus d’un an et demi de travaux, l’institution logée sur la prestigieuse place de la Bourse à Bordeaux rouvre ses portes avec une scénographie totalement renouvelée.
En cette matinée de début mai, c’est le branle-bas de combat au sein du bâtiment de la direction interrégionale des douanes de Nouvelle-Aquitaine de Bordeaux, merveille architecturale donnant sur l’iconique place de la Bourse. Il ne s’agit pas d’un trafic de cannelés de grande ampleur qui viendrait d’être démantelé mais des derniers préparatifs d’un projet en cours depuis un an et demi.
Ouvert en 1984, très peu remanié depuis, le musée national des Douanes (MND) a été rénové en profondeur avec une nouvelle scénographie pédagogique et ludique pensée par Isabelle Fourcade.
Dans ce vaste espace totalement réaménagé, tout le monde s’affaire dans un brouhaha d’aspirateur, de marteaux et de perceuses. Au loin, la Marseillaise retentit. Un peu tôt pour la célébration officielle de la réouverture prévue dans deux semaines. Fausse alerte, il s’agit d’une répétition des agents douaniers en vue du 8 mai. Tout le monde retourne à son labeur.
Terrain de jeu prestigieux
Chaque geste est précis, exécuté avec minutie pour être à l’heure. « L’intérieur de la salle est classé monument historique donc il y avait des contraintes pour les percements sur les murs par exemple. L’idée du projet était de jouer avec l’architecture pour la mettre en valeur plutôt que d’y toucher », détaille Elvire Dufour, médiatrice culturelle et guide du jour pour présenter les nombreuses nouveautés à découvrir.
Il faut dire que le terrain de jeu est prestigieux. Le MND occupe le rez-de-chaussée de l’ancien hôtel de Fermes-du-Roy, construit entre 1735 et 1738. Un bâtiment édifié pour accueillir la Ferme générale, compagnie privée percevant les taxes sous l’Ancien Régime, l’ancêtre de la douane.
La première étape du nouveau parcours, une maquette et un film synchronisé, précise l’utilité du lieu, soit une véritable porte d’entrée des marchandises transportées par bateau et débarquées dans la halle pour y être contrôlées par les commis de la Ferme, les ancêtres des douaniers.
Côté architectural, les amateurs de classicisme tomberont en pâmoison devant la façade dessinée par Jacques Gabriel, rehaussée au niveau des frontons par les sculptures de Jacques Verberckt. L’artiste est aussi l’auteur de la fontaine adossée au mur de la cour intérieure, malheureusement invisible pour les visiteurs du musée. Bien logiquement, le bâtiment dans son entièreté est classé au titre des monuments historiques.
Ce lieu unique a toujours abrité des services douaniers, et c’est le cas encore aujourd’hui. Au rez-de-chaussée, entre les piliers et sous les voûtes de pierre de l’ancienne halle, décision a été prise par la direction générale des douanes et droits indirects (DGDDI) d’installer un musée consacré à la douane.
Nouveau projet scénographique
Près de quatre décennies plus tard, un vent de fraîcheur semblait nécessaire. Coût de la rénovation : 680 000 euros entièrement financés par la DGDDI. En matière de fréquentation, le musée voudrait dépasser les 25 000 visiteurs par an constatés avant la fermeture, notamment en multipliant les événements.
Près de quatre ans après les premières concertations, la nouvelle scénographie se dévoile, découpée en quatre grands thèmes. Exit la plupart des imposantes vitrines qui trônaient un peu partout dans cette salle aux 16 piliers mesurant 40 mètres de long. À la place, un circuit repensé qui débute donc avec l’histoire du lieu puis celle du port de Bordeaux au XVIIIe siècle, point cardinal du commerce triangulaire et de la traite négrière.
Se déploie ensuite une grande frise chronologique retraçant l’histoire de la douane en France mais aussi en Europe. Un récit ponctué par des moments ludiques et surtout de nombreux objets dont la pièce maîtresse est la monumentale balance datant du XVIIIe siècle et utilisée pendant des décennies avant d’être démontée. Toujours dans les collections du musée, elle retrouve ici une place centrale au sein du nouveau dispositif.
Le joyau de Claude Monet
Pas de quoi faire trop d’ombre tout de même au joyau du musée, sans négliger les 600 autres objets exposés et quelque 13 500 pièces de la collection de l’institution. Il faut dire que Cabane des douaniers, effet d’après-midi, tableau de 1882 signé Claude Monet, attire l’œil surtout ainsi mis à l’honneur sur une cimaise noire. Le voyage acrylique se poursuit avec huit tableaux accrochés à la mode des salons du XIXe siècle, montrant l’attrait des cabanes de douaniers dans l’histoire de l’art.
Autre incontournable de retour, le lion naturalisé exposé dans la vraie caisse où il a été trouvé par les douaniers à l’aéroport de Roissy en 1999. Comme la plupart des éléments exposés, ce trophée de chasse provient d’une saisie. Les deux dernières parties du musée sont réservées aux femmes et hommes de la douane, et à leurs indispensables collègues à quatre pattes, avant de se conclure sur l’image de la douane aujourd’hui et de sa diffusion dans la culture populaire, du film Rien à déclarer réalisé par Dany Boon aux œuvres de l’artiste Ben à la calligraphie reconnaissable entre mille.
Misant sur le multimédia, le nouveau parcours permanent multiplie les bornes interactives dont la dernière permet de se glisser dans la peau d’un douanier contemporain pour traquer les stupéfiants et autres objets de contrebande. À part leur flamme à ce lieu réinventé, les visiteurs ne devraient rien avoir à déclarer.
Guillaume Fournier
Informations pratiques
Musée national des Douanes
1, place de la Bourse
33000 Bordeaux
Du mardi au dimanche, 10h-18h.
Fermé le lundi.
Tarif plein : 5 €, tarif réduit : 2,50 €