Au carrefour de la Dordogne et de la Corrèze, Saint-Yrieix-la-Perche, en Haute-Vienne, vient d’inaugurer un lieu-ressources, destiné à valoriser les richesses insoupçonnées de son territoire. Rencontre avec Mathilde Humbert, responsable du service culture.

Quelle est l’origine de ce projet ?

D’une part, l’acquisition, en 2017, de la collection de porcelaines Paul Marquet, puis, l’achat, en 2020, du bâtiment dit de l’école Jeanne d’Arc, qui abrite le MAH. Une origine double : scientifique et géographique.

Parlons du bâtiment…

Un édifice du XVIIIe siècle qui, en fait, n’est ni plus ni moins que la première œuvre de la collection. J’ai l’habitude de l’appeler affectueusement « la créature de Frankenstein » en raison de toutes ses greffes : cave médiévale, pans romans, traces du XVIIIe et XIXe siècles, et, même, du contemporain ! En outre, la proximité de chantiers archéologiques, actuellement menés, en fait un lieu particulièrement animé. Le MAH est à la fois lieu et témoin de l’histoire de Saint-Yrieix-la-Perche.

Il fallait au moins ça pour témoigner de la riche histoire de la ville…

Nous sommes la capitale du kaolin puisque c’est à Marcognac que l’on a découvert, à la fin du XVIIIe siècle, le premier gisement. Ici, l’environnement est d’une richesse géologique rare. Le sous-sol regorge de trésors : avant le kaolin, il y avait des mines d’or, exploitées à l’époque gallo-romaine. Nous sommes un pays d’extraction de matières premières, mais nous n’avons su en tirer profit car la pâte à porcelaine était transformée en produit noble à Limoges.

Une injustice. Toutefois, Saint-Yrieix-la-Perche a d’autres atours : sa collégiale médiévale en pleine restauration, la tour du Plô. Le MAH réunit toutes les pièces d’art sacré, collectées par les chanoines au Moyen Âge, ainsi qu’un fac-similé de la Bible de Saint-Yrieix-la-Perche, dont l’original se trouve à la médiathèque ; une reproduction manipulable. Nous présentons également un fac-similé du Graduel à l’usage de la collégiale de Saint-Yrieix (Graduale, Troparium et Prosarium ad usum Sancti Aredii), dont l’original se trouve à la Bibliothèque nationale de France. Le premier ouvrage consacré à l’écriture musicale, en l’occurrence celle du chant grégorien. Nous en proposons une version « karaoké » avec casque permettant une retranscription fidèle de la partition.

Que trouve-t-on dans ces 700 m² de musée ?

Une espèce de millefeuille sur 3 niveaux. Au 3e étage, les réserves. Au 2e étage, la salle d’exposition avec un parcours semi-temporaire, qui change tous les 18 mois. Pour l’heure, et jusqu’au 31 décembre 2026, « Être arédien ». Un parcours en reconfiguration perpétuelle avec scénographie modulable pour envisager n’importe quelle monstration sans avoir à refaire l’intégralité du dispositif. Enfin, au rez-de-chaussée, l’accueil, la boutique, et une micro-folie, forte de 5 000 œuvres, complétant le parcours thématique. Nous espérons, dans un futur proche, qu’elle puisse se doter d’une collection régionale néo-aquitaine.

Quid du label musée de France ?

En perspective afin de nous permettre de faire demande de prêts auprès d’autres établissement, notamment des artefacts archéologiques découverts à Saint-Yrieix-la-Perche, mais désormais exposés à Limoges, sans parler du fameux chef-reliquaire qui se trouve au Metropolitan Museum of Art de New York ! Soit l’objet le plus précieux pour notre commune d’un point de vue historique et patrimonial. Le portrait en métal, orné de pierres précieuses, du saint fondateur de notre cité, réalisé entre 1220 et 1240.

Au début du XXe siècle, peu de temps après la séparation de l’Église et de l’État, il est substitué par une copie presque parfaite alors que l’original est acheté, en 1907, par le banquier John Pierpont Morgan auprès d’un marchand londonien James Henry Duveen, avant d’être donné en 1917 au MET à la mort du milliardaire américain. Nous militons ardemment pour son retour ou, du moins, pour pouvoir en bénéficier à la faveur d’un prêt d’autant plus que ce bien est classé au titre des monuments historiques depuis 1891, donc inaliénable et imprescriptible !

Quelle est l’ambition du MAH ?

Questionner l’histoire et l’actualité via les yeux des Arédiens. Une ambition culturelle à l’aune d’un territoire rural. Devenir musée de France, c’est aussi faire revenir des pièces, garantir leur bonne conservation, celle de notre patrimoine local extrêmement fourni, mais disséminé. Il faut traiter cette richesse, en prendre soin.

Propos recueillis par Marc A. Bertin

Informations pratiques

Musée d’Art et d’Histoire
12, place Attane, Saint-Yrieix-la-Perche (87)
05 19 56 14 25