Unique structure d’art contemporain sous la tutelle du ministère de l’Agriculture, Rurart, établissement situé à Rouillé, dans la Vienne, fête en fanfare ses 30 ans. L’occasion d’un entretien en forme de rétrospective avec sa directrice Sylvie Deligeon et Victor Bonnarme, assistant de direction.
Quelle était l’idée autour de la création de la structure Rurart ? Comment en vient-on à implanter un centre d’art contemporain dans un lycée agricole ?
Sylvie Deligeon : C’est une enseignante socioculturelle du lycée, Monique Stupar, qui a eu cette idée. Au départ, elle faisait venir des artistes pour des ateliers et organisait des expositions. L’idée d’un centre d’art est venue en suivant. En lien avec le directeur du lycée, ils ont présenté le projet, fait des demandes de subventions qui ont abouti à la construction de ce bâtiment Rurart, dédié à l’art.
En 30 ans, comment a évolué le centre dans ses pratiques ? L’ADN a-t-il changé ?
Victor Bonnarme : À l’origine, la question de l’éducation socioculturelle est très prégnante, c’est un enseignement qui est très spécifique à l’enseignement agricole. L’idée était d’apporter une ouverture culturelle à des jeunes pour développer leur esprit critique par le biais artistique. Depuis l’arrivée de Sylvie à la tête du centre, en 2018, ce sont plus les questions environnementales qui sont soulevées.
S. D. : Chaque directeur a une ligne, une vision. C’est souvent proche de l’environnement tout de même mais chacun a sa patte. Monique Stupar, par exemple, aimait beaucoup l’art brut et une des expos qui a fait découvrir le lieu à l’international était consacrée à Ousmane Sow. Je suis la première directrice qui n’est pas une enseignante socioculturelle mise à disposition par le ministère de l’Agriculture. Cela étant, la vision socioculturelle reste très importante, Rurart reste lié aux enseignants, nous faisons partie du réseau des enseignants socioculturels de l’ex-Poitou-Charentes avec qui nous continuons de créer des projets fédérateurs.
Certaines de vos expositions parlent d’écologie, de bien-être animal, etc., quelles sont les réactions des élèves du lycée agricole juste à côté ?
S. D. : Cela donne un support aux échanges et aux critiques. Cela permet de dialoguer, nous sommes là pour ça. Au moins, ils ont un autre point de vue, c’est important. Nous faisons aussi de la médiation pour essayer de faire comprendre au maximum les expositions. Nous essayons aussi de leur faire découvrir le travail des artistes en les faisant participer au montage des expositions, en ouvrant le dialogue avec les artistes. Ce qui apporte un regard plus englobant sur le monde artistique.
Les visiteurs ont-ils aussi évolué depuis 30 ans entre visiteurs venant du lycée et ceux qui viennent d’ailleurs ?
V. B. : Nous avons plus de visiteurs « extérieurs », à peu près 60%, qui viennent que d’élèves. Il y a aussi des anciens élèves qui reviennent parfois, en fonction des propositions.
S. D. : Il y a aussi un ralentissement des venues des scolaires en dehors du lycée agricole. Nous sommes assez loin géographiquement et les écoles n’ont parfois plus le budget pour prendre en charge le transport des élèves jusqu’à nous. Nous essayons de trouver des parades mais la question est compliquée.
En ces temps budgétaires troublés, comment se passe le patronage avec le ministère de l’Agriculture ?
S. D. : Toutes les structures se sentent menacées, je pense ! Nous faisons partie du lycée mais avec une comptabilité distincte. Rurart ne vit que des subventions venant de plusieurs partenaires. Moi, je suis rémunérée par le ministère de l’Agriculture qui donne une subvention à l’année.
Nous avons d’autres subventions comme le ministère de la Culture avec une baisse qui a été annoncée, la Région Nouvelle-Aquitaine, le Département de la Vienne avec une baisse aussi annoncée, la Ville de Rouillé et la communauté urbaine de Grand Poitiers.
Comment va être célébré ce cap de la trentaine ? Quel est le programme ??
V. B. : Une exposition est prévue du 17 octobre au 19 décembre proposant une réflexion sensible et participative autour de l’écologie, de l’environnement et de l’anthropocène avec des installations interactives. Plusieurs œuvres seront présentées avec Barbara Schroeder, Quentin Derouet et le collectif Scenocosme dans la salle d’exposition. Il y aura aussi une création originale qui a été commandée auprès de Laurent Meunier, vidéaste qui présentera une œuvre audiovisuelle vidéoprojetée sous la forme d’une rétrospective des 30 dernières années à Rurart. Pour finir, nous réalisons un documentaire avec Agathe Gallo, journaliste et fondatrice du média culturel Quartier Libre.
S. D. : La première exposition qui avait eu lieu à Rurart en 1995 s’était tenue avec un grand banquet à la fin. Comme un clin d’œil, l’œuvre de Barbara Schroeder s’intitule Le Banquet et, le dernier jour, il y aura un vrai banquet performatif !
Quels sont les projets pour la décennie qui s’ouvre ?
S. D. : Nous allons essayer de rayonner un peu plus en Nouvelle-Aquitaine en développant des projets à cette échelle avec peut-être une expo itinérante par exemple.
V. B. : À travers le réseau Astre — nous faisons d’ailleurs partie du conseil d’administration —, nous participons à des groupes de travail nous permettant d’appuyer le développement professionnel d’artistes émergents. C’est une de nos grandes valeurs.
Propos recueillis par Guillaume Fournier
Informations pratiques
Rurart—30 ans,
du vendredi 17 octobre au samedi 20 décembre,
Lycée agricole Venours, Rouillé (86).