Quand la philosophe Barbara Stiegler et l’historien Christophe Pébarthe décident de faire de la démocratie une expérience théâtrale, ils vont jusqu’à faire tomber la barrière entre la scène et la salle. La preuve avec « Démocratie, un spectacle dont vous pourrez être les héros ».

Comment vous est venue l’idée de cette création ? 

Christophe Pébarthe : Elle est un peu le prolongement de mon travail sur la démocratie athénienne. J’ai montré à quel point les pièces de théâtre étaient une matière première pour penser la démocratie pour les Athéniens. Quand ils allaient au théâtre, pour résumer, en particulier avec les tragédies, ils étaient confrontés à une réflexion de nature philosophique sur ce qu’était la démocratie.

Cette réflexion passait par des histoires qui puisaient dans la grammaire mythologique. Je me suis dit : « Ne serait-il pas possible d’essayer de faire la même chose, mais au XXIe siècle ? » Écrire une forme de tragédie pour permettre aux spectateurs et aux spectatrices d’entrer dans une réflexion de nature philosophique sur la démocratie, mais à travers des émotions, à travers un spectacle. 

Quel est le fil rouge de ce spectacle ?

Barbara Stiegler : C’est comme l’indique son titre la démocratie, mais que nous saisissons à travers deux fils rouges. D’abord, la manière dont on traite l’éducation, la recherche, la culture dans un monde néolibéral. L’université, l’école, l’éducation et la recherche sont présentes tout au long de la pièce. Ensuite, il y a un autre volet qui est la santé avec, par exemple, l’hôpital, la souffrance au travail ou la gestion des épidémies. 

Cela nous permet de réfléchir sur les services publics de la santé et de l’éducation qui sont les fils conducteurs de ce choc entre le néolibéralisme autoritaire et la démocratie. L’idée, c’est vraiment d’amener le public à se questionner sur la démocratie, à la redécouvrir, et à se demander si on a ou non envie de démocratie. Sachant que c’est une expérience assez radicale puisque c’est le peuple qui se met à avoir le pouvoir.

Le contexte politique et social a-t-il joué un rôle moteur dans cette volonté ?

B.S. : Oui, puisqu’on se sent écrasé entre deux grandes tendances politiques. D’un côté, le projet néolibéral, qui est d’adapter l’espèce humaine à la mondialisation. De l’autre, face à ce rouleau compresseur néolibéral, on a une riposte souverainiste d’extrême droite.

Pour nous, il y a une troisième voie dont il faudrait se saisir, celle de la démocratie qui a été frayée pendant la Révolution française et a réactivé le modèle athénien : l’idée d’une délibération collective de tout un pays sur son destin. 

Diriez-vous que notre démocratie est en mauvaise santé ? 

C.P. : Je dirais que nous ne sommes pas en démocratie. Je pense que l’une des maladies contemporaines, c’est d’appeler « démocratie » quelque chose qui ne l’est pas. Il nous paraît intéressant que tout le monde puisse se réapproprier ce projet d’un gouvernement effectif du peuple par lui-même.

N’étant pas comédiens, comment avez-vous appréhendé cette expérience ?

C.P. : C’est justement le pari du spectacle, nous ne prétendons pas l’être, et ne voulons pas le devenir. Nous nous adressons comme des profs, comme des militants, comme des gens qui ont l’habitude de parler en public et qui ne sont pas là pour donner à voir un spectacle, un texte à des spectateurs. Nous sommes là immédiatement pour partager quelque chose. Et je pense que cet élément est fondamental.

Propos recueillis par Flora Étienne

Informations pratiques

DÉMOCRATIE ! Un spectacle dont vous pourriez être les héros,
texte et mise en scène Christophe Pébarthe,
samedi 6 décembre, 20h,
dimanche 7 décembre, 17h
Théâtre Michel Portal, Bayonne (64).

dimanche 15 mars 2026,
Centre d’animation de Beaulieu, Poitiers (86).

mercredi 29 avril 2026, 19h30,
Le Nouveau Théâtre, Châtellerault (86).