Jusqu’au 21 février 2026, la Villa Pérochon, à Niort, accueille les travaux de Richard Pak et de Julien Lombardi. Deux anciens lauréats du prix photographie et sciences en confrontation pour tenter d’appréhender ce que ce croisement des disciplines peut apporter d’inédit. La parole à Philippe Guionie, directeur du centre d’art.
Qu’est-ce que le prix Photographie et Sciences ?
Un prix jadis porté par la résidence H2, à Toulouse, et que je présente pour la première fois à la Villa Pérochon, à Niort, avec les travaux de deux lauréats : L’Île naufragée (cycle Les Îles du désir) de Richard Pak (2021) et Planeta de Julien Lombardi (2024).
Le but de cette distinction est d’accompagner des projets à caractère transdisciplinaire, entre photographie et sciences. Il s’agit d’encourager la création photographique française avec un coup de pouce en dotation de 6 000 €. Le prix Photographie et Sciences constitue la deuxième étape pour finaliser une démarche. Voilà un prix inédit dans la mesure où il accompagne des talents qui ont déjà un parcours. Ici, à Niort, à la Villa Pérochon, outre la remise du prix et de sa dotation, il y a la production d’une exposition. On peut parler d’un prix réellement proactif.
Dernier point et non des moindres, le prix Photographie et Sciences a une vocation résolument grand public afin que chacun puisse questionner le monde. Il y a une tendance de prix associant de plus en plus la photographie à d’autres disciplines. La nouvelle génération s’autorise des pas de côté et c’est le rôle d’un centre d’art d’accompagner ce mouvement.
Que signifie cet intérêt pour les sciences ?
Depuis 10 ans, j’ai constaté un réel engouement dans le monde de la photographie pour l’univers des sciences, dures ou humaines. En effet, les photographes sont de plus en plus sensibles à la démarche scientifique et universitaire, notamment dans ce qui concerne les enjeux à caractère environnemental et sociétal.
En outre, s’affirme de plus en plus un désir d’hybridation : on fait dialoguer des synergies nourrissant les démarches artistiques tout en questionnant des thématiques. Toutefois, je tiens à le préciser, il ne s’agit nullement de reproduire à l’identique l’imagerie scientifique : ici, nulle photographie de laboratoires ou de savants en blouse blanche ! Il y a une véritable mise à distance des disciplines par quelqu’un par nature de passage.
Dans photographie et sciences, c’est le « et » le plus important, le plus fondamental. À l’arrivée, on voit éclore des projets artistiques fédérant leurs écosystèmes sans être spécialistes pour aboutir à une fabrique au croisement des disciplines. D’ailleurs, la plupart des collaborations perdurent souvent après l’étape du prix car il y a un enrichissement, né des questionnements réciproques.
Pourquoi faire dialoguer deux regards ?
Plus qu’un dialogue, je parlerai de confrontation. Julien Lombardi est à la lisière entre écologie, cosmologie et technologie. Planeta est un récit « alternatif » de la conquête spatiale en plein cœur du désert de Sonora, au Mexique.
Un environnement proche de celui de la Lune voire de la planète Mars, constituant un terrain d’exploration assez proche. Il alterne paysages et technologie comme s’il s’agissait de véritables clichés pris par le photographe d’une mission spatiale de la NASA. Richard Pak, lui, est plus proche de la représentation incarnée d’un territoire, celui de Nauru, en Océanie.
À travers L’Île naufragée, il documente l’âge d’or de l’exploitation du phosphate, qui, jusqu’à son épuisement dans les années 1990, fit la fortune de cet état. Ce déclin prend la forme d’un conte écologique. Cela parle de ressources épuisées, interroge sur la notion même de matières premières, mais aussi sur la détérioration du paysage.
À l’échelle d’une île, peut-être sommes-nous face à l’allégorie de la fin du monde ? J’ai mis en vis-à-vis ces deux regards au sein du parcours proposé à la Villa Pérochon, des étoiles à la Terre, qui est accompagné par un important volet de rencontres avec des scientifiques durant tout le temps de l’exposition.
Propos recueillis par Marc A. Bertin
Informations pratiques
L’Île naufragée (cycle Les Îles du désir), Richard Pak + Planeta, Julien Lombardi,
jusqu’au samedi 21 février 2026,
Villa Pérochon—centre d’art contemporain photographique, Niort (79).