Le dramaturge et metteur en scène Alexis Michalik, distingué par 5 Molières, rachète avec des associés le théâtre des Salinières à Bordeaux. Objectif ? Apporter un nouveau souffle. Premier exemple avec la programmation, jusqu’à mi-novembre, de sa première pièce, Le Porteur d’Histoire.
Pourriez-vous nous en dire plus sur votre volonté de rachat du théâtre des Salinières ?
En réalité, c’est le directeur du théâtre de la Renaissance à Paris, Morgan Spillemaecker, où se joue ma pièce Passeport depuis deux ans et avec lequel je suis en contact, qui nous a parlé de ce théâtre. Cela faisait quelques temps qu’avec mes associés et collaborateurs nous nous disions qu’il serait intéressant d’avoir un théâtre hors Paris.
Il fallait que ça soit dans une ville permettant de la création un peu sur le modèle du théâtre privé parisien. Bordeaux nous est apparu comme une ville intéressante car très culturelle. En outre, je suis persuadé qu’il y a un public pour ce type de propositions. Ensuite, l’occasion a fait le larron puisque le théâtre des Salinières était à vendre, que le plateau correspond exactement aux dimensions que nous cherchions pour mener à bien notre projet.
Ce rachat est une grosse coproduction avec donc Morgan Spillemaecker, mais aussi le théâtre Montparnasse qui est associé, Salomé Lelouch du théâtre Lepic, Acmé, boîte de production que j’ai fondée avec Camille Torre et Benjamin Bellecour… Bordeaux est un projet pilote. Si cela fonctionne, nous irons peut-être chercher d’autres salles en France.
Quel est votre projet pour cet établissement ?
Nous voulons faire comme avec Le Porteur d’Histoire, de la création, avec des acteurs bordelais, de spectacles qui ont été des succès sur la scène parisienne. Le Porteur est un premier exemple, mais tous ceux qui participent à ce projet ont un catalogue regroupant des dizaines de spectacles.
À quel type de public cela s’adresse-t-il ?
Plutôt jeune, qui n’a pas forcément envie d’aller voir des comédies avec des têtes d’affiche un peu vieillissantes mais des auteurs forts. Aujourd’hui, un succès au théâtre n’est plus tributaire d’une tête d’affiche mais plus d’un auteur ou d’une autrice comme Mélody Mourey, Samuel Valensi, Jean-Philippe Daguerre ou Nicolas Le Bricquir.
Ce qui permet aussi une plus longue exploitation d’un spectacle et de le faire tourner ensuite. Notre intérêt est d’avoir ici une création similaire aux théâtres parisiens avec des spectacles salués par la critique [Le Porteur d’Histoire a reçu 2 Molières en 2014, NDLR], pouvant rester plus longtemps que s’ils viennent en tournée. Ce qui permet de toucher plus de public, en plus avec des acteurs locaux.
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Des résidences prévues pour ces re-créations ?
C’est déjà le cas. Pour Le Porteur d’Histoire, Ysmahane Yaqini, qui m’assiste, est venue travailler pendant trois semaines avec les comédiens. Nous avons plein de spectacles de qualité que nous pouvons créer ici. À terme, le but c’est même qu’il y ait de la création bordelaise encouragée, dans un système qui ressemble plus à celui du théâtre privé parisien.
Nous avons envie de voir des choses se créer. Il y a en tout cas un beau vivier d’acteurs ; nous l’avons vu lors des auditions. Pour tout ça, il faut évidemment que le public suive. Aussi commençons-nous avec Le Porteur qui est un « tube » pour attirer un public du centre-ville bordelais.
Le Porteur d’Histoire a été votre premier grand succès. Est-ce une façon aussi d’ouvrir un nouveau chapitre en le programmant en premier ?
Cette pièce est assez magique car elle fonctionne tout le temps et avec très peu de décors. L’investissement est moins lourd que si je montais Edmond avec 12 comédiens par exemple. Nous commençons souvent par cette pièce quand nous allons dans une nouvelle ville. Et espérons que ça sera la première d’une longue série et pas uniquement les miennes.
Quelle sera votre place dans cette nouvelle version du théâtre des Salinières ?
Plus que tout, je pense apporter une caution artistique. Je trouve très intéressant d’arriver sur ce terrain assez neutre par rapport à ce que nous proposons. Il y a le Femina, qui n’est pas sur la même jauge, des cafés-théâtres plus petits, un comedy club que Kev Adams projette d’ouvrir…
Notre but est d’exploiter le théâtre le plus possible avec pourquoi pas deux représentations par soir. Nous voulons que ça soit un rendez-vous pour le public bordelais. Nous aurons aussi probablement des cases ouvertes en début de semaine pour accueillir d’autres formes comme l’humour. Nous allons travailler de concert avec les autres salles que je viens de citer. Nous voulons amener notre savoir-faire, soit des œuvres avec des troupes en essayant de parvenir à un équilibre économique. Nous ne voulons pas proposer des versions moindres de ce qui peut se voir à Paris.
Des travaux en perspective ?
Le théâtre est parfaitement en ordre de marche, nous allons peut-être faire des changements sur le parc lumière, rajouter quelques sièges si ça marche bien… Mais c’est à la marge.
Quid de cette première année ?
Une année d’expérimentation : voir ce qui marche ou non. Puis, on s’adaptera avec le directeur du lieu Alexis Plaire. Nous aurons une vision un peu plus précise en 2026.
Vous avez une actualité chargée dans la région avec votre création, Passeport, qui passera à la salle Treulon à Bruges. Est-ce la dernière fois qu’on voit une pièce d’Alexis Michalik en dehors du théâtre des Salinières sur le territoire ?
(Rires) Non, non, cela dépend plus de l’ampleur de la pièce ! Je sais déjà quelles sont mes pièces qui peuvent entrer au répertoire du théâtre des Salinières — Intra muros, Le Cercle des illusionnistes, Une histoire d’amour peut-être — ou celles des autres comme Les Poupées persanes d’Aïda Asgharzadeh, qui a eu un gros succès et que nous serions ravis de produire ici.
D’autres projets en cours ?
Je commence à réfléchir à ma prochaine pièce. Mes précédents succès m’ont permis de monter des spectacles plus engagés tel Passeport qui évoque la « jungle » de Calais. Cela me permet d’aborder des sujets plus contemporains. Je n’ai pas vraiment de limite sur ce que je vais faire. Ma seule exigence est la conception économique du spectacle. Pour que cela puisse exister et durer, je ne peux pas mettre 25 acteurs au plateau.
Ma prochaine création aura un peu plus de monde au plateau, toutefois, je me fixe une limite de 12 comédiens, comme pour Edmond, et il va falloir une grosse salle. L’aspect économique est important car ça m’embêterait vu l’effort et l’énergie que je mets dans un spectacle, qu’il ne soit joué que 30 fois.
Propos recueillis par Guillaume Fournier
Informations pratiques
Le Porteur d’Histoire,
jusqu’au dimanche 16 novembre, 18h ou 20h45,
théâtre des Salinières, Bordeaux (33).
Passeport,
vendredi 17 octobre, 20h30,
espace culturel Treulon, Bruges (33).