De l’ensemble Jupiter à Près de votre oreille, en passant par les apprentis musiciens de l’orchestre symphonique régional de Nouvelle-Aquitaine, la programmation classique d’octobre se place sous le sceau de la jeunesse pour offrir un feu d’artifice d’œuvres.

Theodora XXL

Que choisir parmi la plantureuse programmation d’octobre de l’Opéra de Bordeaux ? Le Concerto pour deux pianos de Philip Glass par les sœurs Labèque (2/10) ? Le programme concocté autour de la venue du violoncelliste Gautier Capuçon (pour le Concerto n° 1 de Saint-Saëns), qui donnera notamment l’occasion de découvrir l’œuvre de la compositrice grecque Sofia Avramidou, en résidence durant la saison 2025-26 (8/10) ?

La « Schubertiade » offerte par un duo de légende — la pianiste portugaise Maria-João Pires et le baryton allemand Matthias Goerne (10/10) ? La famille Bach mise à l’honneur par l’ensemble Les Surprises (21/10) ? Les riches heures de la chanson françaises revisitées au piano par Alexandre Tharaud (23 et 26/10) ? On optera pour Theodora : non pas la callipyge interprète de Kongolese sous BBL, tube certifié de l’année 2024, mais l’avant-dernier oratorio composé en 1749 par Georg Friedrich Haendel (1685-1759). D’abord pour la beauté de cet ouvrage fleuve : le plus tragique de son auteur, dans lequel les passions baroques battent leur plein, cet oratorio dépeint le martyre de Theodora, jeune fille noble d’Alexandrie élevée dans la foi chrétienne et persécutée par le régime de Dioclétien.

Ensuite, pour la qualité superlative du plateau artistique rassemblé pour l’occasion : accompagnée par l’ensemble Jupiter fondé par son partenaire d’élection, le luthiste Thomas Dunford, c’est la mezzo-soprano franco-italienne Lea Desandre qui incarne le rôle-titre. L’occasion de découvrir une chanteuse en pleine maturité artistique, qui fera prochainement ses débuts en Mélisande à Monte-Carlo…

Jeunes poètes

L’Opéra de Bordeaux est par ailleurs partenaire de l’Orchestre symphonique régional de Nouvelle-Aquitaine : à cette formation composée de 70 jeunes musiciennes et musiciens de toute la région, il offre en effet la possibilité de se produire dans des conditions véritablement professionnelles. Réunis à l’initiative du conservatoire de Bordeaux, ces jeunes artistes sont issus des CRR de Limoges et du Grand Poitiers, du conservatoire Maurice Ravel Pays basque, du PESMD Bordeaux Nouvelle-Aquitaine, du Pôle Aliénor et (depuis cette année) du conservatoire Pau-Béarn-Pyrénées.

Pour la troisième année consécutive, ces artistes en herbe se retrouveront, l’espace d’une semaine, à Bordeaux, pour y préparer leurs concerts (en entrée libre !) des 24 et 25 octobre, cette fois-ci sous la baguette d’Alizé Léhon. La jeune cheffe (elle est née en 1998) formée auprès d’Alain Altinoglu mène actuellement un parcours des plus remarqués, qui l’a conduite cette saison au poste de cheffe assistante de l’Orchestre national d’Île-de-France.

Le programme des réjouissances s’avère des plus palpitants, puisqu’il fera la part belle au poème symphonique : durant la seconde partie du XIXe siècle, sous l’impulsion des romantiques (Berlioz et Liszt en tête), ce genre, parangon de ce qu’on appelle la « musique à programme », s’est imposé pour les orchestres comme une alternative à la symphonie, traitant sous une forme libre des sujets inspirés de l’histoire, de la littérature ou de la peinture.

Le poème symphonique est très lié également à la montée des « écoles nationales » dans les pays de l’est et du nord de l’Europe, désireux de se forger un idiome musical propre : en témoigne Má Vlast (« Ma Patrie »), composé dans les années 1870 par le Tchèque Bedřich Smetana, tout comme le Finlandia de Jean Sibelius (1900), considéré comme l’hymne national officieux de la Finlande. Outre ces deux œuvres, l’Orchestre symphonique régional de Nouvelle-Aquitaine nous offrira deux partitions que l’on a rarement l’occasion d’entendre : Festklänge de Liszt (1853) et le macabre Lénore d’Henri Duparc, tiré d’un poème traduit de l’allemand par Gérard de Nerval et qui inspira également Bram Stoker, le créateur de Dracula… Une soirée spectaculaire en perspective, digne point d’orgue de cette exemplaire initiative en faveur de la pratique collective et de l’interconnaissance.

Un nouveau festival en Limousin

Près de votre oreille, jeune ensemble emmené par le cambiste Robin Pharo, est à l’honneur cet automne. Outre la parution chez Harmonia Mundi du disque Lighten mine eies, magnifiant l’œuvre de William Lawes — compositeur essentiel de la Renaissance anglaise un peu trop oublié à son goût —, la formation est à l’origine d’un nouveau rendez-vous en Limousin, L’Éveil de l’automne : un festival interdisciplinaire coproduit avec la Ferme de Villefavard, dont la première édition se tiendra du 23 au 25 octobre.

D’ateliers diurnes en balades nocturnes, du théâtre à la poésie, du conte au concert, du lyrique à la musique de chambre, du baroque au folklore : avec la complicité de la metteure en scène Jeanne Desoubeaux et de la compagnie Maurice et les autres, les musiciens de Près de votre oreille ont imaginé une foule de propositions qui viendront, le temps d’un week-end, faire vivre ce lieu magique qu’est la Ferme de Villefavard et l’ancrer plus généreusement, et plus singulièrement, dans son territoire.

David Sanson

Informations pratiques

Theodora, Ensemble Jupiter, sous la direction de Thomas Dunford,
jeudi 9 octobre, 20h,
Auditorium, Bordeaux (33).

« Poèmes symphoniques », orchestre symphonique régional, sous la direction d’Alizé Léhon,
vendredi 24 octobre, 20h,
Auditorium, Bordeaux (33).

samedi 25 octobre, 20h,
Théâtre du Quintaou, Anglet (64).

L’Éveil de l’automne,
du jeudi 23 au samedi 25 octobre,
Ferme de Villefavard en Limousin, Villefavard (87).