Au Bel Ordinaire, à Billère, Clara Denidet réactive gestes collectifs et savoir-faire anciens pour interroger nos manières d’être ensemble. Entre lavoir réinventé, vannerie à plusieurs mains et images détournées, son exposition « Mains de traverses » explore la transmission, la communauté et les espaces de socialisation d’aujourd’hui.

Abandonnés des lavandières car devenus obsolètes, les lavoirs continuent de ponctuer les paysages ruraux. C’est en pratiquant la vannerie — qui nécessite des temps de trempage — que Clara Denidet s’est intéressée à ces lieux collectifs. Car si les lave-linge ont réduit la charge domestique, ils ont également enlevé une occasion de se rassembler, d’échanger, de transmettre à l’occasion d’une corvée partagée.

Loin d’être désertés, les lavoirs continuent d’être fréquentés par les enfants, des jeunes et des personnes marginalisées. La fonction première a disparu mais ces sites conservent leur vocation de rassembler. C’est donc à partir du lavoir en tant qu’espace de socialisation que l’artiste a proposé à des lycéens en construction bois de réfléchir avec elle à une sculpture praticable inspirée de ces petites architectures. Les élèves du Béarn ont partagé leurs expériences des lavoirs et travaillé à la conception de cette charpente fabriquée à partir de poutres récupérées. Marqué par le temps, orné d’oreilles sculptées et reposant sur des roues, Le Lavoir matérialise dans l’exposition un espace où chacun peut s’asseoir et partager.

Vannerie détournée, travail partagé

Le principe de fabrication collective se retrouve également dans les œuvres conçues en vannerie. L’artiste détourne cette technique habituellement solitaire en projets où les savoir-faire se rencontrent. Aux vanniers et vannières, Clara Denidet propose la fabrication de formats inédits dont les proportions obligent de travailler à plusieurs mains pour tresser les fibres. Pour exemple, La Mâle, une malle de transport à la silhouette humaine. Évoquant la mobilité — volontaire ou subie — tout autant qu’une armure, elle renferme un ensemble d’objets sans fonctionnalité qui matérialise la manière dont les savoirs s’accumulent dans le corps.

Au mur, se trouve Le Secret, une collection de 40 cartes postales anciennes. Celles-ci figurent des femmes de tous horizons qui portent des charges sur leur tête, déconstruisant ainsi le cliché d’une pratique exclusivement méridionale. De la nature des objets et matières portés dans les contenants, on ne saura rien : l’artiste a gratté les légendes, gommant leur valeur d’archives. Elle voit dans ce geste la possibilité d’une fiction, détournant ces porteuses en clandestines, pourvoyeuses de savoirs interdits et dont le public devient le complice.

En valorisant des pratiques qui se transmettent par mimétisme — de fait universelles car irréductibles au discours, Clara Denidet interroge la manière dont les gestes s’inscrivent et se perpétuent hors des cadres institutionnels de l’apprentissage, lorsque la main apprend de l’autre. Loin de toute nostalgie, l’artiste puise dans ces savoir-faire anciens non pour les restaurer mais pour les activer au présent, comme autant de voies de réflexion sur notre manière d’habiter un monde en crise. Dans l’exposition, ses œuvres proposent des espaces à la fois matériels et symboliques où se dessinent les liens entre geste, savoir et communauté.

Hélène Dantic

Informations pratiques

« Mains de traverses », Clara Denidet,
jusqu’au samedi 17 janvier 2026,
Le Bel Ordinaire, Billère (64)