À Limoges, le Frac-Artothèque Nouvelle-Aquitaine consacre une exposition au travail, assez peu diffusé en France, de l’artiste anglaise Jane Harris dont la peinture, à la fois hautement sensible et rigoureusement technique, résiste obstinément au point de vue unique.

Visiter cette monographie, c’est comme entrer dans un jardin de courbes et d’ellipses dont les couleurs vibrent à la lumière et dont les textures se révèlent au gré de nos déplacements. Que l’on choisisse d’être statique, comme absorbé, ou en mouvement, la peinture de Jane Harris (1956-2022) ne se découvre qu’à l’exclusive condition de physiquement l’expérimenter.

Radicalisation de la pratique

Dans les vitrines, des aquarelles, inspirées de jardins à la nature maîtrisée, permettent d’appréhender les origines de la démarche de cette artiste, considérée comme l’une des représentantes majeures de la peinture abstraite en Grande-Bretagne et dont le parcours est ponctué de réinventions.

Alors qu’elle pratiquait une peinture figurative depuis une dizaine d’années, c’est une seconde formation artistique au Goldsmiths College qui radicalise sa pratique, en réduisant son vocabulaire formel à quelques éléments : épure des formes en silhouettes, usage de deux couleurs. Painting n°1 (90), premier tableau de ce virage appartenant à la collection du Frac-Artothèque Nouvelle-Aquitaine, est ici exposé.

Son installation définitive en Dordogne, l’année de ses 50 ans, offre à l’artiste une plus grande proximité avec la nature ainsi qu’un lumineux atelier avec vue. Sa recherche continue à se déployer, loin de Londres et de son réseau professionnel.

Surface plane et perspective

Bien qu’abstrait, le vocabulaire graphique et les techniques picturales s’inspirent encore des jardins et de la nature aux variations constantes. C’est le cas de l’ellipse, qui traduit géométriquement la forme d’un bassin. Jane Harris y voit deux focales : à la fois une surface plane et une perspective. Pour elle, « cette prise de conscience correspondait parfaitement à [son] désir constant de créer des peintures et des dessins qui combinent ces deux possibilités dans un va-et-vient constant entre un état et un autre ».

Aux murs, un ensemble de tableaux permettent d’observer sa technique singulière. Des surfaces vibrantes, traitées en petites touches régulières et répétitives et dont l’orientation bascule lorsqu’elles remplissent une nouvelle surface. Les motifs eux aussi s’inversent, tout en se dupliquant. Aucune forme n’est réduite à un seul état.

Geste continu et impeccable

Les motifs opposés et complémentaires coexistent et se déplacent. Observées à proximité, les teintes qui paraissaient unies se révèlent profondes, un effet dû à la superposition de couches. « Cela confère aux peintures une qualité textuelle et brouille quelque peu notre perception de l’emplacement exact de la surface de la peinture, un autre aspect de mon désir de perturber notre sentiment de certitude » explique-t-elle.

Proche des teintes issues de la nature, sa palette se caractérise par l’emploi de couleurs métallisées. Celles-ci, en plus de l’exigence de précision et de régularité pour tracer les lignes, n’autorisent pas le repentir. Chaque courbe doit être tracée dans un geste continu et impeccable, une véritable performance lorsqu’il s’agit de grands formats à l’instar des magistraux diptyques (Familiars) ici présentés.

Hélène Dantic

Informations pratiques

« Jane Harris, peintures et dessins »,
jusqu’au dimanche 11 janvier,
Frac-Artothèque Nouvelle-Aquitaine, Limoges (87).