Avec Poste restante, escales sur la ligne, la scénographe Cécile Léna se plonge, au ChapitÔ, à Bègles, dans la fascinante odyssée de l’aéropostale. Et toujours en immersion.
Poste restante, escales sur la ligne est votre 10e création. Cela revêt-il une saveur particulière ?
Peut-être l’aboutissement d’un long trajet qui, toutefois, je l’espère, n’est pas achevé…
L’argument retenu est celui de la première ligne aérienne transatlantique, en 1918, consacrée au service postal. Soit 12 000 km entre Toulouse et Santiago du Chili. Seriez-vous secrètement fan de Pierre-Georges Latécoère ?
J’ai découvert sur le tard sa figure et j’ai eu la chance de rencontrer ses descendants. À vrai dire, je suis fan de l’œuvre d’Antoine de Saint-Exupéry, mais aussi de l’audace de ces pilotes. Il y a une alchimie particulière entre l’humain, la littérature et la technologie.
Néanmoins, j’ai emprunté des chemins de traverse ! Le point de départ semble anecdotique aujourd’hui car, à l’origine, j’avais envie de faire une série sur les chambres d’hôtel à travers le monde, puis, a germé, en moi, l’idée d’un personnage, et, pourquoi pas un pilote ? Je suis donc allé consulter comme je le fais à chaque fois ma bibliothèque et me suis rendu compte que je possédais un mètre linéaire consacré à l’histoire de l’aéropostale. Aussitôt je me suis replongée dans l’œuvre de Saint-Exupéry, notamment Courrier sud.
Dans un tel projet, la géographie occupe une place fondamentale avec toute sa part de réalité « physique » mais également sa poésie voire ses fantasmes, non ?
Pas uniquement la géographie. Cette histoire fait rêver par son trajet et le nom des villes traversées ; c’est le point de départ émotionnel. Cependant, la poésie provient également des récits de Saint-Exupéry qui a su sublimer cette expérience. J’avais Vol de nuit comme boussole, quelque peu enfouie, alors, j’ai réactivé la lumière. Surtout, j’ai redécouvert l’œuvre de Joseph Kessel, notamment son roman Mermoz, une véritable épopée qui a toute sa place dans cette histoire.
Comment raconte-t-on cette histoire de pionniers et de courrier ?
Cela constitue un vrai défi car ce sont des histoires d’avions, or, je n’utilise que des maquettes… Aussi raconter tout ça avec des miniatures, c’est fort complexe. Je me suis appuyée sur la géographie et sur les milliers d’anecdotes de cette épopée pour donner ou tenter de donner un aperçu de cette aventure et de tous les personnages impliqués, le tout porté par une bande-son avec un thème décliné pour chaque pays.
Votre dispositif déploie 8 espaces scéniques, 7 miniatures comme autant d’escales, et un décor à taille réelle…
Il était inutile de faire plus. Ça se contenait dans le récit et mon installation y a naturellement trouvé sa place. On finit dans un cockpit d’avion mais pour quitter l’aéropostale et se retrouver en 1944 afin d’évoquer la disparition de Saint-Exupéry.
Lors de la préparation, avez-vous déjà en tête la distribution tant les voix sont prépondérantes dans votre démarche ?
L’immersion joue beaucoup grâce à elles. J’ai à nouveau collaboré avec Thibault de Montalembert — une sorte de fil rouge depuis près de 20 ans de créations — qui incarne la voix de Saint-Exupéry, mais nous sommes allés plus loin car nous avons tourné un film en bord de mer dans lequel il interprète un pilote. Pour moi, c’était fondamental que ce soit lui . Il y a de nouvelles voix venues, dont celle de Jacques Gamblin, et des spécialistes extraordinaires du doublage ; un véritable casting.
Cette histoire d’hommes est relativement bien documentée, notamment via les récits d’Antoine de Saint-Exupéry, mais quid des femmes ?
Elles en étaient exclues hormis celles qui entoilaient les ailes des avions, sinon les épouses étaient très éloignées de leurs maris. Raisons pour laquelle je me suis permis d’introduire, afin de la réhabiliter, Adrienne Bolland, qui fut la première femme à franchir la cordillère des Andes, seule à bord de son avion, le 1er avril 1921, bien avant Mermoz.
Propos recueillis par Marc A. Bertin
Informations pratiques
Poste restante, escales sur la ligne,
Compagnie Léna d’Azy, scénographie et mise en scène Cécile Léna,
du vendredi 26 septembre au dimanche 5 octobre,
en semaine, 10h-18h, week-end, 11h-18h, fermé le lundi,
ChapitÔ, Bègles (33).
Attention jauge limitée : gratuit sur réservation par téléphone ou en ligne.