Pour une poignée de frissons, il suffit de franchir la Bidassoa et faire d’un dimanche soir à San Sebastian un moment suspendu avec Johnny Jewel, le cerveau du label Italians Do It Better.
Lorsque la séparation des Chromatics fut officielle, des Niagara de rimmel coulèrent sur les visages. 20 ans de carrière, une série d’albums chéris, des singles pour l’éternité… Johnny Jewel, tout à la fois Swan et Winslow Leach d’une étiquette sans équivalent, cassait son rutilant jouet, laissant orpheline une secte éprise de cette electro pop vaporeuse cochant à merveille les cases « Too Slow to Disco » et « Imaginary Films ».
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Johnny Jewel, démiurge ultime
Maître à penser d’un rêve dans le rêve, démiurge ultime (auteur, compositeur, interprète, musicien, producteur, directeur artistique), le nomade Texan (Montréal, Portland, état de l’Oregon), maquillé comme une idole New Romo — ombre à paupières fuchsia, 5 larmes noires collées sur les joues — n’a eu de cesse de se démultiplier (Chromatics, Glass Candy, Desire). Laissant, à l’occasion, tomber le masque pour explorer l’art de la bande originale pour Nicolas Winding Refn, Ryan Gosling ou David Lynch.
Fidèle à sa légende, l’insaisissable mastermind entretient son aura de mystère. Plus de site mis à jour, une page Bandcamp à l’abandon, un album de Desire, Games People Play, uniquement disponible en mp3… et quelques venues sporadiques. Rien de bien neuf sous le soleil, l’homme ayant rendu fou plus d’un fan cherchant en vain une cohérence dans les publications d’un catalogue dont la plus grande beauté restera pour l’éternité sa part d’inachevé. Au fond, rêvions-nous ces disques ou leurs promesses ?
L’hyperactif, reclus dans son Xanadu, entouré de fétiches, tel l’enfant des amours de Brian Wilson et de Kenneth Anger, ne serait-il pas une version chimérique du Rattenfänger von Hameln nous menant par le bout du synthé ? Tant que sa musique nous plongera dans le vertige, nos cœurs drapés de soie moirée battront.
Marc A. Bertin
Informations pratiques
Johnny Jewel,
dimanche 16 novembre, 20h,
Dabadaba Club, San Sebastian (Espagne).