Le 15 avril, à Limoges, la compagnie de danse contemporaine Yvann Alexandre joue le pas de deux créé pour ses 30 ans. Infinité, une pièce qui célèbre non pas tant le passé que les recommencements. Avec la mouvance pour essence.
On avait découvert Infinité dans une chapelle, à sa première au festival des Hivernales à Avignon en 2023. À la Maison des Arts et de la Danse de Limoges, ce sera la même pièce quoique tout autre. Car là est la singularité de cette création : se reconfigurer à chaque lieu dans lequel elle éclot. Yvann Alexandre, chorégraphe phare de la danse abstraite, l’a conçue en trois versions — une pour les lieux non dédiés, deux pour la scène — autant de processus d’écriture qu’il manie avec aisance.
Une pièce déjouant la muséification
Quant à la distribution, si elle compte quatre interprètes (Alexis Hedouin, Louis Nam Le Van Ho, Denis Terrasse, Evan Loison), la partition est pourtant écrite pour un duo au plateau. Chaque danseur connaît l’ensemble des enchaînements et les deux rôles, et le chorégraphe choisit, avant l’entrée en scène, quel couple foulera le sol, habitera l’espace, vibrera avec lui, s’autorisera des improvisations.
Créée pour les 30 ans de la compagnie Yvann Alexandre, basée à Nantes, cette pièce déjoue pourtant toute muséification de son répertoire en se faisant absolument mouvante. Elle est une quintessence des obsessions du chorégraphe – la relation, les paysages intérieurs, l’attention aux lieux – et de sa grammaire ciselée, mais réactivées par des interprètes qui n’en portent pas la mémoire.
Conjugue le passé à l’infini présent
Elle conjugue le passé à l’infini présent. Et c’est bien ce souffle vital qui nous parvient. Sur le plateau dépouillé, les deux danseurs cartographient une île qui a pour teneur les multiples nuances d’une relation intime, avec ses grâces et ses errances. Tentatives de contact, brèves étreintes, abandons apaisés au creux de l’autre, trajectoires en solo mais jamais vraiment isolées, chairs qui s’attirent ou se repoussent, sont autant de fragments d’un certain discours amoureux.
De leurs corps fluides, prompts aux rebonds, aux élans francs ou parfois esquissés puis freinés, deux êtres qui nous ressemblent rejouent sans cesse leur approche, et c’est un monde qui se réinvente. Le tout porté par la musique ambient de Jérémie Morizeau et quelques airs – J.S. Bach, Nana Mouskouri…
Cette Infinité est hypnotique sans être redondante ni anesthésiante. Il y a là quelque chose d’une contemplation active, d’un voyage en terre floue et pourtant familière. Un 30e anniversaire pour la compagnie, donc, en forme d’ouverture des possibles et d’ode à l’impermanence.
Hannah Laborde
Information pratiques
Infinité, Yvann Alexandre,conception et chorégraphie Yvann Alexandre,
mardi 15 avril, 20h,
Maison des Arts et de la Danse, Limoges (87).