À Lussac-les-Châteaux, Anaïs Marion questionne la notion d’accueil avec « L’enracinement, chap.2 : la belle étoile ». Entre histoire et fiction, elle exhume des rituels oubliés, recueille des témoignages, observe la nature, situant l’hospitalité comme geste autant culturel que politique.

Afin d’étudier, Anaïs Marion avait quitté la Meuse pour Poitiers. Un parcours apparemment anodin, sauf qu’il suit, à son insu, les pas de Mosellans qui, contraints à l’exil en 1939, se réfugièrent notamment dans la Vienne. Cette coïncidence fournit à l’artiste le prétexte d’interroger l’hospitalité. Le terme partage la même racine qu’hostilité, de même qu’hôte, ce mot ambigu qui signifie à la fois accueillant et accueilli.

Le déplacement de population, et le déracinement qui en est le corollaire, font partie de l’histoire des humains. Alors, dans cette exposition, Anaïs Marion explore au travers de l’Histoire, si des attitudes traduisent nos dispositions envers l’accueil.

Des plats brisés en deux

De l’Antiquité, elle exhume une pratique oubliée : le partage des tessères d’hospitalité, des plats brisés en deux, une moitié destinée à chacun des hôtes, scellant un contrat d’accueil. Elle rappelle aussi la coutume médiévale d’offrir du pain et du sel à l’arrivant. Elle retrouve dans les archives la photo d’un groupe de réfugiés mosellans posant avec des ustensiles de cuisine.

De ces exemples de rituels de convivialité et de partage, l’artiste extrait un ensemble de gestes qu’elle reproduit en photos et protocole. Telles des recettes du bon accueil – l’une d’entre elles s’intitule comme le conte « la soupe au caillou » –, ces œuvres s’apparentent à des guides, à condition de ne pas les cantonner au seul domaine du récit.

Terre inhospitalière

Le recours à la fiction encore, dans Vénus, une vidéo-conte réalisée à partir d’échanges avec des femmes demandeuses d’asile. Tout en modelant dans l’argile des répliques de statuettes préhistoriques, elles réfléchissent à l’objet à emporter pour s’exiler sur une île. Qu’est-ce qui importe ? L’utilité à la survie ou la trace du sol quitté ?

Enfin, à Calais, aux abords de l’ancienne jungle aujourd’hui démantelée, Anaïs Marion capture les stratégies du Vivant – humains compris – vis-à-vis du sol. Aux murs, barbelés et blocs, l’artiste juxtapose les plantes épineuses et les mousses recouvrantes. Dans cette terre inhospitalière vidée de ses migrants, le Conservatoire du littoral s’emploie désormais à renaturer la zone, non sans composer avec l’arrachage de la crassule de Helm, une plante désignée comme « espèce exotique envahissante ».

Hélène Dantic

Informations pratiques

« L’enracinement chap. 2 : la belle étoile », Anaïs Marion,
samedi 3 janvier,
Pôle culturel La Sabline, Lussac-les-Châteaux (86).