Jusqu’au 31 décembre, arc en rêve centre d’architecture à Bordeaux accueille « Terres alluviales. Matières d’estuaires » cette proposition prospective menée par les collectifs Filon et ter-ter.
Fruit d’un appel à projets — Paysages girondins et nouvelles écritures de recherche —, initié par la Villa Valmont, à Lormont, «Terres alluviales. Matières d’estuaires » est née de la rencontre entre deux collectifs : Filon et ter-ter. Le premier fondé par la designer Esther Bapsalle et l’artisane de la mer Aurore Piette. Le second unissant les architectes Mélanie Bouissière et Quentin Prost.
Leur objet ? Explorer les liens entre ressources naturelles et savoir-faire locaux en Gironde. S’appuyant sur des études géologiques, cartographiques, et artisanales, le quatuor s’est intéressé aux terres alluviales de l’estuaire de la Gironde. Plus précisément, aux argiles de dragage. Considérées comme des déchets en raison des activités fluviales, ces matières sédimentaires sont devenues le point de départ pour revaloriser ce patrimoine naturel.
9 millions de tonnes de sédiments
Or, d’où proviennent-elles ? Du fameux « bouchon vaseux » unissant eau douce (Garonne et Dordogne, mais aussi la Leyre) et eau salée (l’océan Atlantique) et donnant naissance à cette « crème de vase » qui n’est ni plus ni moins qu’une argile. Argile présentant de surcroît une grande homogénéité ; le quatuor a effectué une série de prélèvements de Meschers à Langon en arpentant le territoire.
Chaque année, 9 millions de tonnes de sédiments sont dragués dans l’estuaire de la Gironde, et plus de 20 000 tonnes dans le bassin d’Arcachon. Clapés en mer ou déposés à terre dans des bassins de stockage, ces sédiments de dragage possèdent-ils autant de qualités qu’une « noble » argile de carrière ? Peut-on les utiliser pour la construction ?
Répondre aux urgences environnementales
Autant de questions pouvant répondre aux urgences environnementales. En effet, la matière est abondante, et l’on peut y ajouter des sarments de vigne pour faire de l’enduit façon torchis, ou des coquilles d’huîtres, qui, broyées, remplacent le sable. Autant de substituts à portée de main. Résultats ? Briques, carreaux, enduits et même de la teinture pour textile. Un champ des possibles qui, paradoxalement, n’est qu’un retour aux sources car, lors de ses recherches, Quentin Prost a exhumé la présence de briques en limon de la Garonne dans les arches du pont de pierre, à Bordeaux, confectionnées par une briqueterie située alors à proximité du chantier !
Au-delà du défi vert et vertueux d’une revalorisation, l’exposition interroge de nouvelles formes architecturales. L’enjeu économique ne relève pas de la chimère pouvant mailler un vaste territoire en unités de production (artisanales ou industrielles) même si nos mousquetaires ont conscience qu’il faut faire ses preuves face au privé et à la commande publique. Néanmoins, l’aventure ne fait que commencer et l’optimisme est de mise. « La vase est un vrai bijou après transformation » avoue, les yeux émerveillés, Esther Bapsalle.
Marc A. Bertin
Informations pratiques
«Terres alluviales. Matières d’estuaires »,
du jeudi 25 septembre au mercredi 31 décembre,
arc en rêve centre d’architecture, Bordeaux (33).