Première française à Bordeaux : la version de Roméo et Juliette du Northern Ballet investit l’Opéra National jusqu’au 31 décembre. Trois actes époustouflants du chorégraphe Massimo Moricone avec la musique intemporelle de Sergueï Prokofiev.
Si Venise n’est pas en Italie, Vérone non plus, en tout cas pas en ce moment puisqu’elle s’étale jusqu’au 31 décembre sur la scène du grand théâtre de l’Opéra National de Bordeaux. Sur les planches se joue l’iconique Roméo et Juliette, intrigue amoureuse parmi les plus jouées au monde qui prend place à Vérone,donc. En découle ici trois actes, découpés en treize scènes et un épilogue.
Au programme : la version du Northern Ballet, la plus importante compagnie de ballet narratif britannique. Créée en 1991 à Leeds, cette production chorégraphiée par l’Italien Massimo Moricone et mise en scène par Christopher Gable est donnée pour la toute première fois en France. Elle s’appuie sur la partition monumentale de Sergueï Prokofiev (1891-1953), le célèbre compositeur russe. De quoi faire date.
Les amants maudits de Vérone revisités
Que raconte ce ballet ? L’intrigue imaginée par William Shakespeare en 1597 : celle de Roméo et Juliette, sans doute la plus célèbre histoire d’amour tragique au monde. Le décor : Vérone, une ville italienne déchirée par la haine de deux grandes familles, les Capulet et les Montaigu. Depuis des générations, leur rivalité empoisonne la cité entière.
Tout bascule lors d’un bal masqué. Juliette, la jeune héritière des Capulet, croise le regard de Roméo, un garçon du clan rival. C’est le coup de foudre. Immédiat, réciproque, impossible.
Les deux jeunes gens décident de s’unir en secret, malgré l’interdit. Mais leur amour déclenche une série d’événements qui leur échappent. La violence entre les deux clans s’intensifie. Les tensions montent. Les malentendus s’accumulent. Le destin semble s’acharner, les entraînant inexorablement vers une issue que l’on devine tragique.
Des chats contre des oiseaux
Un entrelacs amoureux narré par la danse, un dialogue des regards et l’architecture des gestes. La chorégraphie, d’une fluidité naturelle, oscille entre sensualité et rigueur classique.
Massimo Moricone revendique d’ailleurs cette approche narrative où l’accent est mis sur : “ les regards ou les positions corporelles pour raconter la violence qu’il y a à ne pas pouvoir épouser quelqu’un qu’on aime” , explique-t-il dans un entretien accordé à Sud Ouest.
Ce choix se traduit notamment par une distribution animale : des Capulet aux allures de chats élégants et des Montaigu métamorphosés en oiseaux affûtés. Une symbolisation inventive qui rend d’emblée l’opposition des clans très lisible et donne toute sa force à leurs affrontements – notamment la scène de bataille de rue du premier acte, véritable moment d’exception.
Froustey et Ota, étoiles bordelaises à l’honneur
Tout au long du mois, quatre distributions différentes se succéderont sur scène à différentes dates, permettant à plusieurs danseurs d’endosser les rôles mythiques de Roméo, Juliette et leurs compagnons. Une alternance nécessaire qui offre aux interprètes le temps de répéter et de se reposer entre les représentations.
Dans la distribution que nous avons pu voir, Mathilde Froustey, étoile de l’Opéra National de Bordeaux, incarne avec finesse la métamorphose de Juliette : jeune fille candide au premier acte, elle gagne en assurance au fil des scènes. Face à elle, Tanguy Trevinal campe un Roméo ardent et passionné.
La Nourrice, Charlotte Meier, personnage comique délibérément sexualisé et souvent élégamment juchée sur pointes, apporte des respirations burlesques bienvenues. Hilarante et expressive, elle impressionne autant qu’elle fait rire.
Mention spéciale à Riku Ota, également étoile de l’Opéra National de Bordeaux, qui incarne Mercutio avec un mélange remarquable de solaire et d’espièglerie. Tour à tour drôle et majestueux, débordant d’une énergie communicative, il fait rire aux éclats autant qu’il fait frissonner.
De manière globale, les danseurs évoluent avec une virtuosité impressionnante, montant et descendant sur pointes avec une élégance confondante.
Une partition monumentale au cœur du drame
Cette production s’appuie sur la partition monumentale de Sergueï Prokofiev, composée entre 1935 et 1936 pour le ballet du théâtre Kirov de Leningrad. Près de quatre-vingt-dix ans plus tard, cette œuvre demeure l’une des partitions de ballet les plus jouées au monde. Sa force dramatique, ses thèmes mélodiques puissants et sa capacité à traduire musicalement chaque émotion – de la tendresse à la violence – en font un chef-d’œuvre intemporel qui continue de servir d’écrin idéal au mythe shakespearien.
Ce Roméo et Juliette de Massimo Moricone rend un hommage saisissant à cette composition légendaire. Une relecture sensible, puissante et profondément actuelle du mythe des amants de Vérone. Un spectacle à ne manquer sous aucun prétexte.
Salomé Menu
Informations pratiques
Roméo et Juliette
Chorégraphie : Massimo Moricone ;
Direction musicale : Ermanno Florio sur la composition de Sergueï Prokofiev
Mise en scène : Christopher Gable ;
Ballet : Opéra National de Bordeaux ;
jusqu’au 31 décembre 2025,
Grand Théâtre, Opéra National de Bordeaux (33)