Les trois premières journées du mois d’août, le soleil du SunSka brillera dans le ciel du Médoc. Fred Lachaize, directeur et programmateur du festival, lève le voile sur la conception de cette 28e édition.
À presque trente éditions du festival, comment se pose la question de son renouvellement artistique ?
La France aime le reggae roots et est quelque peu passée à côté du grand développement du dance hall, style avec lequel ont flirté de grands artistes internationaux. Sans doute en raison d’une certaine barrière de la langue, avec cette préférence pour le reggae français très apprécié pour ses textes, pour ne pas dire très tourné vers la chanson française. Quant à la scène jamaïcaine, elle a bien évolué. Elle ne parle plus de « peace and love » mais de la ville, des difficultés de la vie ou de problèmes concrets. En parallèle, le reggae roots français ne se renouvelle guère non plus. Les deux derniers à avoir fait parler d’eux, c’est Naâman et Biga Ranx, mais personne n’a surgi derrière.
Vous avez pris l’habitude assumée de programmer des artistes plutôt éloignés du reggae, comme IAM l’année dernière ou MC Solaar cette année.
C’est le genre de formation qui fait la passerelle entre notre public amateur de reggae et un public plus large, un public implanté sur le territoire médocain, voire girondin ou néo-aquitain, ou qui vient parce qu’il est en vacances. C’est aussi pour cela que nous recevrons cette année Flavia Coelho, Joé Dwèt Filé ou Saian Supa Crew. Nos opportunités de renouvellement viennent aussi des plus jeunes, qui vont faire leur premier festival maintenant. L’après-Covid a été marqué par un changement de pratiques. Les playlists des kids ne sont pas 100% reggae. Elles jonglent aussi avec l’urbain, le rap, les musiques électroniques ou les nouvelles tendances du monde comme l’afrobeat.
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Est-ce le public que vous allez chercher ?
Notre public est intergénérationnel. Nous n’allons plus le chercher, comme on a pu le faire par le passé dans toute la France, voire dans toute l’Europe. Le premier public auquel on s’adresse, c’est quand même les Médocains ! Nous avons fait le choix du retour dans le Médoc et d’une décroissance voulue, c’est-à-dire d’un travail sur un territoire rural isolé où l’on est capable de mesurer les retombées de notre action culturelle, qu’elles soient d’ordre économique ou social. Donc, il nous faut proposer des artistes qui vont pouvoir parler de nouveau à des lycéens tout en touchant des quadras ou des quinquas qui fréquentent l’événement tout simplement parce qu’il se passe quelque chose près de chez eux.
Sans leur manquer de respect, on peut qualifier les groupes tels que Israel Vibration ou The Gladiators de vieillissants. Ils ont quand même sorti leurs premiers disques à la fin des années 1960 ou au début des années 1970…
Ces légendes constituent l’ADN du SunSka. Nous sommes le plus ancien festival français étiqueté « reggae ». L’an dernier, nous avions les Wailers ! Notre line-up essaie d’en inclure chaque jour. Mais c’est vrai que chez Israel Vibration, il ne reste plus qu’un chanteur originel… et pour The Gladiators, c’est le fils qui a pris la relève ! Il faut aussi noter que même s’ils jouent encore, les artistes jamaïcains d’un certain âge ne peuvent plus forcément tourner, car au-delà de 75 ans, ils ne sont plus couverts par les assurances professionnelles. Dans les valeurs sûres, on retrouve cette année Ky-Mani Marley, et des références historiques de la scène dub, comme Mad Professor et Don Letts. Ce ne sont pas les noms qui tournent le plus sur les playlists Spotify actuelles, mais ce sont des artistes qui ont du sens quand on les met sur scène.
Ce travail de programmation n’est-il synonyme que de passion et plaisir ?
C’est aussi un véritable casse-tête ! Les cachets ont flambé depuis trois ans. On est passé du simple au double, voire au triple. On subit aussi la concurrence d’événements sporadiques ou d’une Arena nouvellement installée à Floirac, avec plus de 130 concerts dans l’année. Musicalarue dans les Landes, Freemusic à Montendre ou Garorock à Marmande diront la même chose. Le public est concentré dans le bassin bordelais et le portefeuille des amateurs n’est pas extensible à l’infini. On travaille aussi énormément les conditions d’accueil, car les attentes des festivaliers ont considérablement évolué en matière d’expérience, d’animation, de confort, de restauration, etc. Il est bien fini le temps où on se contentait de passer du son à des festivaliers entourés de barrières dans un champ !
« On a tous une anecdote avec le SunSka », dit votre dossier de présentation. Quelle est la vôtre ?
Une anecdote ? Ce n’est pas une anecdote pour moi le SunSka, c’est toute une vie !
Propos recueillis par Guillaume “Gwardub” Gouardes
Informations pratiques
SunSka Festival,
Du vendredi 1er au dimanche 3 août,
Domaine départemental de Nodris, Vertheuil (33).