Un club sur la scène d’un Opéra ? Une occasion à ne pas rater à Limoges, avec ce spectacle d’Amala Dianor, chorégraphe qui a l’hybridité pour style. En réunissant de jeunes interprètes de danses urbaines aux techniques variées, c’est à une vraie fête qu’il nous convie.
Ce spectacle est titré DUB, mais il ne parle pas de dub. Enfin, pas exactement. Ainsi l’explique Amala Dianor dans sa note d’intention : il a souhaité plutôt, par cette appellation, faire référence au « processus d’appropriation » dont ce genre musical résulte – une distorsion du reggae par de l’electro.
Cette dynamique du métissage fait justement écho au propre travail du chorégraphe depuis ses débuts en 2012. Son langage, c’est celui d’un hip-hop pratiqué dans les années 1990, hybridé de sabar sénégalais et de danse contemporaine, et son univers, celui des entre-deux, de l’abolition des frontières, du frottement des identités, générant de nouvelles vibrations.
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Nouvelle génération
Sa soif de rencontres et de terrains partagés était largement palpable dans une de ses précédentes créations, passée par le Festival d’Avignon en 2022, Emaphakathini, pièce conçue pour les danseurs de la compagnie sud-africaine Via Katlehong, dans laquelle son style rencontre celui de la pantsula, danse urbaine et contestataire pratiquée par la compagnie.
On pourrait dire qu’Emaphakathini était une escale chorégraphique dans la traversée du globe d’Amala Dianor. De fait, depuis 2018, au gré de résidences et de tournées, ce dernier n’a cessé d’arpenter les terres dansées à la recherche de performeurs de styles urbains, issus des quatre coins du monde, de Johannesburg à Calcutta, en passant par Rio et Miami. Son idée ? Saisir l’évolution de la culture hip-hop en écumant battles, clubs et autres soirées parfois cachées, pour sonder ainsi ses pulsations actuelles, métissées d’influences multiples, auprès de la jeune génération. Celle qui transpire sur les dancefloors et diffuse son travail sur les réseaux sociaux.
Mélange des genres
Avec DUB, c’est alors un concentré de l’énergie de ces fêtes survoltées, captée à l’international, qui palpite au plateau. Par l’ambiance, d’abord, avec le synthé chargé à bloc du DJ Awir Leon et la scénographie évolutive de Grégoire Korganow, immeuble aux cases multiples, dont l’esthétique condenserait les souvenirs des lieux underground qu’Amala Dianor et son complice ont ramenés dans leur valise.
Ensuite, grâce à ces onze interprètes, rassemblés sur une même scène après s’être parfois connus par écran interposé sur la toile. Si on saisit des traits de la grammaire d’Amala Dianor – l’art des rotations d’épaules –, ceux-ci se fondent dans une conversation de gestuelles et de rythmes différents, menée tambour battant. De-ci des figures de break, de-là la puissance décuplée du krump, plus loin les angles parfaits des gestes du voguing, ou encore les jeux de jambes hypnotiques de la pantsula.
Tout s’enchaîne par une virgule, et le plus souvent, sans ponctuation, chaque style bousculant et enrichissant la syntaxe d’un autre. À onze, à trois, voire en solo, ce sont des identités singulières qui s’expriment, mais ce sont des îlots partagés qui se construisent, jusqu’à former un vaste territoire commun imaginaire. Avec pour langue universelle, aux accents particuliers d’Amala Dianor, la jouissance d’une danse organique et transgressive, portée par une jeunesse aux corps électriques et libres.
Hanna Laborde
Informations pratiques
DUB, conception et chorégraphie Amala Dianor,
mercredi 4 juin, 20h, jeudi 5 juin, 14h30,
Opéra de Limoges, Limoges (87).