À Bilbao, le musée Guggenheim met à l’honneur une aventurière picturale, Maria Helena Vieira da Silva, avec la magnifique exposition temporaire « Anatomie de l’espace ». Bonne aubaine pour partir à la découverte de la fière Bilbao !

L’exposition : Maria Helena Vieira da Silva dans l’espace

Voilà un dialogue inattendu qui a de quoi ravir les pupilles. À Bilbao, l’ondoyant musée Guggenheim, fantasque geste architectural signé du regretté Frank Gehry, accueille jusqu’au 26 février 2026 une artiste qui, sa vie durant, n’a cessé de jouer avec les formes, les couleurs et les dimensions, Maria Helena Vieira da Silva (1908-1992).

Une exploration de l’architecture picturale de l’artiste d’origine portugaise, naturalisée française, préalablement présentée à la Collection Peggy Guggenheim de Venise avant d’arriver en terre basque. Pensée chronologiquement, découpée en huit sections, « Anatomie de l’espace » se focalise en particulier sur ses travaux entre les années 1930 et 1980, car « c’est là que l’on voit son style se développer », selon la commissaire Flavia Frigeri.

Cadre bureaucratique pour une pensée graphique innovante

Issue d’une famille aisée, l’artiste fait ses armes à Lisbonne, puis à Paris, où elle s’installe en 1928. À l’académie de la Grande Chaumière, elle rencontre le peintre hongrois Arpad Szenes avec qui elle a partagé sa vie.

En 1940, celui qui restera moins connu que sa femme, dévoile Portrait de Marie-Hélène (Portrait of Maria Helena). Il représente sa dulcinée à l’ouvrage dans l’endroit où elle laisse libre cours à son talent, son atelier. Lieu de création essentiel qu’elle fréquente à horaires fixes, généralement entre 9h et 17h. Un cadre presque bureaucratique pour une pensée graphique innovante se déployant, par exemple, dans son tableau La Chambre à carreaux. Une œuvre de 1935 accueillant les visiteurs et donnant le ton de son travail : méticuleux, pointilleux, à la recherche de nouvelles propositions optiques. Un rendu final obtenu à sa manière, « en nourrissant le tableau petit à petit », comme l’explique la commissaire d’exposition.

Les premières sections montrent son processus d’expérimentation avec la juxtaposition des formes, des structures qu’elle tord comme pour en étudier relief et résistance. Tout cela dans une volonté de jeu avec l’espace et les perspectives à la limite de l’abstraction comme La nuit, le soir (1936).

Kaléidoscope aux couleurs éclatantes

Une frontière qu’elle continue de parcourir dans la merveilleuse section regroupant des tableaux traitant de joueurs qu’ils soient d’échecs ou de cartes. Un terrain fertile dont elle se délecte, multipliant les grilles et les damiers pour créer des espaces surprenants, un ailleurs, une autre vision comme dans Le Jeu de cartes, splendide kaléidoscope aux couleurs éclatantes.

Hélas, l’effroi de la Seconde Guerre mondiale a raison de ce jeu. En exil à Rio de Janeiro, l’artiste constate la déliquescence de l’Europe et du monde pris dans un engrenage mortel. Une sensation qu’elle traduit notamment avec son saisissant Naufrage (1944), vague de corps humains dissous dans l’eau en passe de faire sombrer une barque d’où tentent de se sauver les derniers rescapés.

Elle survit et revient à Paris, en 1947, avec en tête l’espoir malgré la destruction. Les corps se font plus rares, remplacés par un autre sujet de fascination, la ville tout entière, dont elle entreprend la dissection architecturale jusqu’à l’essence. Bâtiments, habitants et décors s’effacent, les cités sont réduites à des formes géographiques, des plans, des croisements entre des lignes comme dans La Ville (1950-51).

Basculement affirmé vers l’abstraction

Une organisation, intérieure et extérieure, de l’espace qui l’occupe ensuite et acte un basculement plus affirmé vers l’abstraction. Un cheminement résumé dans la dernière section monochromatique, puisque ici toutes les œuvres venant des différentes époques de l’artiste sont blanches, couleur primordiale pour elle.

Il pourrait être facile de rapprocher le foisonnant travail de cette peintre  de grandes figures, de Vasarely à Mondrian, voire de courants artistiques, comme l’art cinétique. Néanmoins, il ne faut jamais perdre de vue que le travail de Maria Helena Vieira da Silva est unique.

Une vérité qui s’écrit après avoir admiré les 67 œuvres exposées en un seul endroit ; une prouesse pour une avant-gardiste dont la production a été disséminée dans la plupart des grandes institutions muséales du monde. La réunion de ses œuvres montre la persistance, le fil conducteur de son parcours. Un voyage de formes et de couleurs la plaçant au panthéon de l’histoire de l’art du XXe siècle.

  • L’essentiel : « Anatomie de l’espace », Maria Helena Vieira da Silva, jusqu’au 22 février 2026, musée Guggenheim Bilbao.

Le guide touristique, les immanquables de Bilbao

Bilbao, la perle de la Biscaye, fière capitale du Pays basque espagnol est une vibrante métropole ne cessant de grandir, et regorgeant de trésors en tous genres pour intrépides voyageurs.

SE CULTIVER

Avec son cycle d’expositions temporaires et ses collections permanentes dévolues à l’art contemporain, le Guggenheim Bilbao est le vaisseau amiral culturel dans la ville mais n’est pas seul. À quelques encablures, le vénérable musée des beaux-arts de Bilbao, fondé en 1908, est en pleine métamorphose. Si le nouveau lieu pensé par Norman Foster et Luis María Uriarte ne rouvrira complètement qu’en juin 2026, une partie, le bâtiment datant de 1970, a déjà été entièrement rénovée et accueille une exposition temporaire consacrée à Georg Baselitz, « Paintings 2014-2025. Something Everywhere ».

La ville abrite aussi de nombreuses galeries, dont la renommée Sala Rekalde, idéale pour découvrir l’avant-garde de la création basque. Autre vivier immanquable,l’Azkuna Zentroa. Ancien entrepôt viticole laissé à l’abandon, il a été rénové par Philippe Starck et Lorenzo Baraldi qui ont imaginé un ensemble de 43 colonnes sur lesquelles sont suspendus trois cubes en brique. Un labyrinthe de possibilités de plus de 43 000 m2 où les arts et quelques sports se croisent dans un dialogue inédit.

Les adresses :

  • « Paintings 2014-2025, Something Everywhere », Georg Baselitz, jusqu’au 1er mars 2026,
  • Musée des beaux-arts/ Bilboko Arte Ederren Museoa, Artetxe Kondearen Zumarkalea, Abando
  • Sala Rekalde, Iparraguirre Kalea, 21, Abando
  • Azkuna Zentroa-Alhóndiga Bilbao, Arriquíbar Plaza, 4, Abando

SE LOGER

Décrire par le menu le parc hôtelier de Bilbao étant un peu long pour la présente rubrique, choix a donc été fait de se concentrer sur trois adresses de qualité. Situé quasiment en face du Musée Guggenheim, l’Hotel Miró est un hôtel boutique proposant notamment une bibliothèque gorgée d’ouvrages sur l’art. Outre son irréprochable literie, l’établissement propose une section bien-être avec massage et soins ainsi qu’un petit-déjeuner qu’il serait criminel de rater.

Deuxième proposition, l’Hotel Abando, quatre étoiles sur la devanture comprenant entre autres une salle de sport, un copieux petit-déjeuner et de spacieuses chambres, le tout situé en plein centre-ville, à côté du charmant square Jardines de Albia.

À quelques mètres de là trône le Mercure Bilbao Jardines de Albia, représentant de la célèbre chaîne propriété du groupe All Accor, qui déploie ici 138 chambres avec aussi de quoi se restaurer le matin, un parking sous l’hôtel, des salles de réunion et même un spa.

Les adresses :

  • Miróhotel, Alameda de Mazarredo (je trouve: Mazarredo Zumarkalea),77, Abando
  • Hotel Abando, Colón de Larreátegui K., 9, Abando
  • Mercure Bilbao Jardines de Albia,, Done Bikendi Kalea, 6, Abando

ARCHITECTURE

Bilbao est une ville de contrastes, dont les différentes mues s’affichent dans son architecture. Le Casco Viejo, la vieille ville, est constitué de venelles, de places et de monuments à haute valeur patrimoniale comme la très gothique cathédrale Saint-Jacques de Bilbao. Pour prendre de la hauteur spirituellement et physiquement direction la basilique Begoña,accessible par escalier. Gothique aussi, elle a été érigée à l’endroit où serait apparue la Vierge au début du XVIe siècle.

Depuis ce promontoire, il est possible d’apprécier les splendeurs à explorer, notamment de l’autre côté de la Ría de Bilbao. Le regard sera forcément attiré par la claque architecturale et footballistique du nouveau stade San Mamés. Depuis 2013, l’antre de 55 000 places de l’Athletic Club de Bilbao s’est imposé comme un marqueur incontournable de la ville qu’il est possible de visiter.

Sur la route, il est possible d’apercevoir des vestiges du passé industriel bordant le fleuve. Ne pas hésiter à s’arrêter en chemin au Parque Doña Casilda Iturrizar construit en 1907 pour déambuler entre les arches de la Pergola qui se trouve au milieu. Tout cela sous l’autorité de la Torre Iberdrola, et ses 165 mètres de haut, dessinée par l’architecte César Pelli, et plus haut bâtiment de la ville. Plus loin, à proximité de l’embouchure du fleuve, l’immense pont de Biscaye, premier pont transbordeur métallique au monde inscrit au patrimoine mondial de l’Unesco, est aussi un incontournable.

Les adresses :

  • Cathédrale Saint-Jacques de Bilbao/Bilboko Donejakue Katedrala, Done Jakue Plazatxoa, 1, Ibaiondo
  • Basilique Begoña/Begoñako Basilika, Begoñako Andra Maria Kalea, 38
  • Stade San Mamés/San Mames Estadioa, Plaza Rafael Moreno “Pitxitxi”, s/n, Basurto-Zorroza
  • Parque Doña Casilda Iturrizar, Abando
  • Torre Iberdrola, Plaza Euskadi, 5
  • Pont de Biscaye, Bizkaiko Zubia, Puente de Vizcaya Zubia, 48930 Areeta

GASTRONOMIE

Que les gourmets se préparent,Bilbao regorge d’adresses gastronomiques. Dans la vieille ville, Plaza Barria, de nombreux cafés et bars proposent l’emblème local, des pintxos de toutes les sortes. Optez pour le Victor Montes pour le faste du lieu, ou l’authentique Café Bar Bilbao pour prendre le pouls de ville.

De l’autre côté du fleuve, le Café Iruña est un repaire parfait pour satisfaire les gourmands en recherche de cuisine espagnole. Ville portuaire oblige, beaucoup de spécialités locales proviennent de la mer comme on peut le découvrir au remarquable Restaurante Marisquería Serantes. Envie de finir sur une douceur sucrée ? Direction la pâtisserie historique Arrese qui vend depuis 1852 ses célèbres truffes artisanales au cœur crémeux recouvert de chocolat. Enfin pour cuisiner soi-même avec des ingrédients de qualité, rendez-vous dans le ventre de Bilbao, au Mercado de la Ribera, établi dans un bâtiment art déco.

Les adresses :

  • Victor Montes, Plaza Berria, 8, Ibaiondo
  • Café Bar Bilbao, Plaza Berria, 6, Ibaiondo
  • Café Iruña/Iruña Kafetegia, Colón de Larreátegui K., 13, Abando,
  • Restaurante Marisquería Serantes, Poza Lizentziatuaren Kalea, 16, Abando
  • Pastelería Arrese 1852
  • Mercado de la Ribera/Erribera Merkatua, 20 bis, Erribera Kalea, Ibaiondo

SORTIR

Si certains ont écrit que Paris est une fête, Bilbao n’est pas en reste. Il n’est ainsi pas rare de voir de nombreux artistes performer dans les rues et places de la ville. Une terre de festivals aussi dont le plus gros, le Bilbao BBK live, se déroule début juillet. Pour la programmation à l’année, se tourner vers les propositions du rutilant Teatro Arriaga. Autre cadre de prestige, celui de Bilborock, référence en matière de culture alternative accueillie dans une église du XVIIe siècle.

La ville possède de nombreuses salles de concerts dont Azkena, institution à l’ADN rock. Pour ceux qui voudrait s’enivrer, musicalement bien sûr, jusqu’au bout de la nuit, direction la gigantesque boîte de nuit Fever ou le Kafe Antzokia, logé dans un ancien cinéma.

Les adresses :

  • Teatro Arriaga/ Arriaga Antzokia, Arriaga Plaza, 1, Ibaiondo
  • Bilborock, Mesedeetako Kaia, 1, Ibaiondo
  • Azkena, Ibáñez de Bilbao Kalea, 26, Abando
  • Fever, Telleria Kalea, 27, – Polígono Industrial Santa Ana
  • Kafe Antzokia, Done Bikendi Kalea, 2, Abando

Guillaume Fournier