Trésor patrimonial érigé au sud de la Gironde,le chateau royal de Cazeneuve a vu se faire et se défaire les amours secrets de la reine Margot, recèle d’attraits fascinant près de 70 000 visiteurs par an.

« Immense propriété aux magnifiques intérieurs, lieu de villégiature de nombreuses têtes couronnées, entourée d’un parc de plus de 40 hectares, classée au titre des monuments historiques. » Voilà à quoi ressemblerait l’étonnante petite annonce du château royal de Cazeneuve, situé au sud de la Gironde, s’il était à vendre !

Une offre immobilière qui ne semble pas près d’être publiée et ne l’a jamais été puisque depuis le XIIe siècle l’endroit appartient à la famille d’Albret et ses descendants, les Sabran-Pontevès, par le jeu d’alliances et de successions. En remontant l’arbre généalogique, on retrouve la présence de 5 reines, 2 rois, 2 saints et un pape. Rien que ça !

Formidable forteresse

Depuis 1989, le château, surplombant la vallée du Ciron, est ouvert à la visite, avec à la clé un réel engouement puisque près de 70 000 visiteurs par an s’y pressent, selon les chiffres des propriétaires. Une affluence salvatrice car les fonds permettent d’entreprendre des travaux de rénovation en hiver lors de la fermeture du site « C’est grâce aux visiteurs que nous avons pu restaurer ce château, nous n’avons absolument pas la volonté d’en refaire un château privé », confie Louis de Sabran-Pontevès, heureux propriétaire des lieux depuis 2014. 

L’édifice se dresse à un endroit prisé de longue date comme le prouvent les grottes troglodytes que l’on retrouve sous la cour intérieure. Des traces de la présence gallo-romaine ou des sarcophages mérovingiens sont aussi à découvrir dans la cour.  Installé à la confluence du Ciron et du ruisseau de Honburens, le lieu a ensuite constitué un point défensif idéal.

Bâti au fil des siècles, le château — en forme de polygone irrégulier enserrant une cour intérieure — était à l’origine une formidable forteresse. Surtout, il jouissait d’un atout majeur, son puits intérieur qui lui permettait un apport en eau fraîche lors des quelques sièges, infructueux, qu’il a subis.

Au-delà de ses douves, qui ont toujours été sèches, s’étend aujourd’hui un magnifique parc, classé au titre de monuments nationaux et Natura 2000. Ce trésor de biodiversité, accueillant entre autres la plus grande bambouseraie de Gironde, était auparavant en partie recouvert par le bourg de Cazeneuve, qui s’établissait derrière d’épaisses murailles. Désormais, il n’en reste que la porte d’entrée en arc brisé aussi appelée « arc de triomphe » accueillant les visiteurs.

Prison dorée

Cazeneuve est surtout connu pour être la villégiature favorite des ducs d’Albret. Ainsi, a-t-il vu défiler le roi Edouard Ier d’Angleterre avec son épouse Aliénor de Castille, Louis XIII ou encore Louis XIV. Toutefois, deux têtes couronnées marqueront de leur empreinte ce lieu unique : Henri III de Navarre, futur roi Henri IV, et Marguerite de France, duchesse de Valois, aussi surnommée la reine Margot. Les deux se marient en 1572, la même année Henri hérite du château à la mort de sa mère, Jeanne d’Albret, reine de Navarre.

Une concordance des dates qui sera plus qu’un simple hasard car l’agonie de leur union se jouera dans cette bâtisse. Coupable de ne pas pouvoir donner d’héritier à son roi de mari, Henri IV, la reine Margot est assignée à résidence à Cazeneuve en 1583 dans l’attente de l’annulation de leur mariage. Dans sa prison dorée, elle ne semble cependant pas vouloir renoncer à tous les plaisirs… Pour rester à l’abri des regards, elle donnait rendez-vous à ses amants dans une grotte, située sur les bords du Ciron à la limite du parc du château, aujourd’hui appelée « grotte de la Reine ». Un havre de liberté qu’elle gagnait par le biais d’un passage qui ne fut plus si secret que ça le jour où son mari l’y surprit.

Face à un reproche hâtivement prononcé par celui qui était affublé du sobriquet de « Vert galant », n’ayant pas son pareil pour se faufiler de couche en couche, la reine aurait rétorqué une tirade passée à la postérité : « Est-ce crime d’aimer toujours ? M’en punir est-il de raison ? Point ne sont de laides amours, non plus que de belles prisons. » Ces deux dernières phrases ornent la cheminée du salon de la reine Margot, véritable chef-d’œuvre de la visite commentée.

Délice pour les pupilles

Restaurée il y a vingt ans, la pièce est un délice pour les pupilles avec sa tapisserie bleutée, son plafond et ses fenêtres rectangulaires typiques de l’architecture Renaissance. Sur les murs, les portraits d’illustres ayant foulé le sol de Cazeneuve, une tapisserie des Flandres du XVIe siècle, mais aussi des tapis d’Aubusson, des consoles en bois doré ou encore une table en marqueterie surmontée de bronzes. Tous les objets présents provoqueraient sûrement un arrêt cardiaque chez un antiquaire en recherche de merveilles.

De la chambre Louis XIV à celle récemment restaurée de la comtesse Emmanuel de Sabran-Pontevès en passant par les galeries du premier étage, toutes les salles du château ouvertes à la visite regorgent de mobiliers pluriséculaires magnifiquement conservés, de services en fine porcelaine, de sculptures ou de tableaux racontant tous une partie de la riche histoire de Cazeneuve.

Touche contemporaine

Un château qui continue à vivre et à se transformer, en témoigne sa singulière tour ouest. Inaugurée en 2022, elle marque la mise en accessibilité du site puisqu’elle possède un ascenseur permettant aux personnes à mobilité réduite de se rendre à l’étage en passant par le chemin de ronde et la chapelle. Un investissement avoisinant les 700 000 euros qui a mis 10 ans à sortir de terre avec le soutien financier de la Drac, du Conseil départemental de la Gironde, de la Région Nouvelle-Aquitaine et de nombreux mécènes. Pour autant, ce geste architectural résolument contemporain ne dénature en rien l’ensemble.

Il faudrait encore mentionner l’immense cave à vins, bien gardée par de solides grilles en fer forgé, ou la cuisine encore utilisée comme l’indique l’odeur de feu de cheminée, mais le mieux reste de venir découvrir sur place un monument qui se dévoile histoire après histoire, détail après détail. Un iconique, membre du réseau girondin du même nom, qui représente la voie royale pour un voyage dans le temps réussi !

Guillaume Fournier

Informations pratiques

Château royal de Cazeneuve,
Cazeneuve, Préchac (33).
Ouvert jusqu’en novembre,
horaires des visites variables en fonction des demandes et des mois.