Chef-d’œuvre de l’art roman, Notre-Dame-La-Grande trônant au centre de Poitiers ferme ses portes jusqu’en 2027. Le temps nécessaire pour une restauration en profondeur de son riche intérieur et, en particulier, sa fresque datant du XIe siècle.

Une façade foisonnante et reconnaissable entre toutes, un intérieur aux ornements minutieux et un trésor en danger qui a entamé une restauration en profondeur : bienvenue à Notre-Dame ! Non pas la cathédrale parisienne sauvée des flammes, mais l’édifice poitevin qui n’a absolument rien à lui envier : Notre-Dame-la-Grande.

Lieu le plus visité de la Vienne

Consacrée en 1086, l’église est le lieu le plus visité du département de la Vienne. Ou plutôt « était » car elle a fermé ses portes en septembre 2024 et doit rester close au moins jusqu’à l’été 2027. En cause, une réhabilitation globale, engagée à l’intérieur du bâtiment pour sauver certaines parties déjà dans un état de péril avancé. Un délabrement difficile à deviner depuis l’extérieur en très bon état.

Au-delà des affres du temps, c’est la modification de la charpente au XIXe siècle qui a déstabilisé toute la structure. Les fissures sont légion au point qu’un filet de sécurité avait été installé au niveau de la nef pour éviter les chutes de pierre. L’humidité permanente ronge les maçonneries, fragilisant encore plus le tout. Autre sujet d’inquiétude, les décors peints dont certains menacent de disparaître.

Pénétrer à l’intérieur de cette bâtisse, classée dès la première liste des monuments historiques, établie en France en 1840, permet de comprendre l’étendue de l’œuvre à accomplir.  

Un budget en pointillé

Casque de chantier vissé sur la tête, néons le long des murs, une conférence de presse improvisée se tient dans l’édifice religieux avec en arrière-fond sonore les coups d’outils divers et variés. Les chiffres d’abord : l’affaire est estimée à 6,5 millions d’euros. La ville assure un financement de 2,5 millions d’euros, la Direction régionales des Affaires culturelles Nouvelle-Aquitaine (DRAC) participe à hauteur d’1 million d’euros. Une action de mécénat de grande ampleur est en cours avec le soutien de la Fondation du patrimoine. Elle a atteint plus d’1,15 million d’euros sur les 2 millions escomptés. L’action de la Mutuelle de Poitiers Assurances en tant que grand mécène est aussi à souligner.

Le site va pouvoir aussi compter sur une autre manne, celle de la mission Bern puisque l’église a été choisie parmi les 18 projets du loto du patrimoine 2025. Toujours est-il qu’1 million d’euros manquent à l’appel. La participation du Département de la Vienne, qui n’a pas mis la main au portefeuille pour l’heure, est envisagée. Reste à savoir si cela se concrétisera.

Chef-d’œuvre aussi rare que fragile

Si la somme à réunir peut paraître importante, le détail des réfections à réaliser donne le tournis. Elles se découpent en trois axes : assainissement (drainage, couverture, évacuation des eaux pluviales), consolidation (charpente, fissure des voûtes) et enfin de reprise (vitraux, décors peints, maçonneries…) sur un temps long. Autant de tâches qui mobiliseront au moins une cinquantaine de personnes issues de nombreux corps de métiers.

« Tout chantier est unique, chacun a ses caractéristiques propres et celui-ci aussi, notamment avec ces décors rares d’une immense fragilité », détaille Thomas Gaudig, un des gérants de l’agence 1090 architectes qui représente le groupement de maîtrise d’œuvre dirigeant le chantier pour le compte de la Ville de Poitiers.

Redécouvertes lors de travaux de remise en état effectués au XIXe siècle, les peintures du XIe qui parent la voûte du chœur forment un chef-d’œuvre aussi rare que fragile. Pouvoir monter sur l’échafaudage en place et regarder au plus près ces ornements est un spectacle à couper le souffle. Et il vaut mieux. L’ensemble est tellement fragile qu’un soupir trop appuyé pourrait décoller la peinture du mur.

Cause urgente

Depuis sa découverte, ce trésor ne cesse de se dégrader ; encrassement, humidité… les raisons sont nombreuses et la cause urgente. Actuellement, des tests sont effectués pour savoir quelle méthode permettra de conserver et de rendre un peu de son éclat à ces motifs.

« Nous avons une idée de ce que nous voulons atteindre mais nous ne savons pas encore comment l’atteindre », explique Ludovic Loreau, directeur des opérations chez Arthema. Ce travail en hauteur prendra au moins 6 mois. Le chantier se déplacera alors au niveau de la nef pour redonner son lustre à l’habillage polychromique qui revêt le reste du monument. 

Inaccessibles au public, les travaux de l’église se dévoilent à la maison du chantier installée au premier étage de l’office du tourisme situé juste en face. Il est même possible d’admirer le bâtiment depuis la fenêtre pour voir l’histoire en marche. En 2027, un chapitre s’achèvera, mais il y en aura de nouveaux à rédiger. Les chapelles de l’église qui ne sont pas concernées par cette première phase nécessitent elles aussi des soins urgents. Elles seront peut-être prises en charge dans un second temps en fonction des financements. Ou il reviendra aux générations futures d’œuvrer pour garder intact ce bijou du passé.

Guillaume Fournier

Informations pratiques

Maison du chantier de l’église Notre-Dame-la-Grande,
45, place Charles-de-Gaulle, Poitiers (86).