Le musée Guggenheim Bilbao propose, jusqu’au 28 septembre, une réjouissante rétrospective d’une figure clé de l’abstraction qui a joué pendant plus de 50 ans avec les règles et les conventions.

L’éloge du geste, de la couleur et de la recherche, tel pourrait être le mantra de l’œuvre d’Helen Frankenthaler (1928-2011), artiste américaine qui reçoit au musée Guggenheim Bilbao les hommages posthumes d’une exposition visible jusqu’au 28 septembre

Au total, une trentaine de tableaux retraçant un parcours artistique et expérimental s’étalant sur plus de six décennies (!) sont à admirer dans un espace scénographique dégageant une sensation d’épure. En ressort l’impressionnant travail de l’artiste traité de façon chronologique.

Plus de 50 ans de créations artistiques

Une épopée débutant dans le New York des années 1950, terre d’apprentissage d’une femme plongée dans une bohème artistique encore ultra majoritairement masculine. Pourtant, une figure, Jackson Pollock, et ses abstractions gestuelles marqueront durablement Helen Frankenthaler. Une sélection de peintures et de sculptures de certains de ses contemporains — Mark Rothko, Robert Motherwell, qui sera son mari, David Smith ou encore Anthony Caro — est aussi présentée en regard de son œuvre comme autant de sources d’inspiration, frayant dans une terre d’exploration créatrice proche mais néanmoins différente.

Jamais dans la copie, Helen Frankenthaler explore. Un travail de fluidité des formes, des couleurs et des mélanges déjà présents dans Open Wall [Mur ouvert, NDLR] datant de 1953. Surtout, elle défriche la voie de l’expressionnisme abstrait comme le prouve ses Mediterranean Thoughts [Pensées méditerranéennes, NDLR] de 1960, une toile conçue comme une symbolique autour de l’union avec, au centre, un cœur bleu visible pour qui se donne la peine de s’arrêter devant cette huile sur toile généreuse en détails.

Une étude attentive s’imposant sur chaque proposition exposée, avec à chaque fois des révélations. La couleur apaisée avec ses tons pastel de Tutti-frutti, réalisé en 1966, l’immensité de l’océan et de ces variations bleutées avec Ocean Drive West #1, en 1974 ou encore les brides fantomatiques de rêveries étranges peuplant de nombreuses peintures dont Star Gazing [Contempler les étoiles, NDLR] de 1989.

Évoquons ici aussi le travail sur les aplats, les couches de peinture et leurs reflets, qui se retrouve notamment dans Janus (1990) ou sur les formes notamment dans les années 1990 avec, par exemple, le tableau d’apparence presque enfantine Cassis de 1995.

Figure de l’art abstrait

De chaque décennie semble sortir une quête picturale particulière, une constatation que renforce le choix exigeant exécuté par les commissaires de l’exposition pour arriver à donner en si peu d’œuvres une vue globale d’une carrière prolifique dans l’art abstrait.  

Enlacement de lignes, harmonie chromatique, geste spontané déchirant la toile, chaque touche ajoute une grille de lecture supplémentaire à un travail dont les limites acryliques sont sans cesse repoussées pour finir par étendre le domaine de l’art.
Guillaume Fournier

Informations pratiques

« Helen Frankenthaler : Peindre sans règles »,
Jusqu’au dimanche 28 septembre,
Musée Guggenheim Bilbao, Bilbao (ESP).