AMORCE – À Bordeaux, ce premier collectif 100 % féminin mixe allègrement house, afrobeat, bass music, breakbeats ou techno. Et fait bouger les lignes sur une scène électronique où les filles sont encore souvent vues comme des DJ de second ordre voire des arguments de purplewashing.

Collectif 100 % féminin dans un milieu masculin

Ne dites plus « DJette ». « Bien sûr, le mot n’est pas forcément sexiste dans la bouche de tout le monde, mais ça reste un diminutif par rapport à “DJ”, qui est supposé ne s’appliquer qu’aux hommes. Pour nous, “DJ”, c’est à la fois masculin et féminin, comme en anglais », pose Flora, aka Flouf, membre du collectif Amorce : six filles qui représentent quelque chose de neuf dans le paysage électronique bordelais. Le premier collectif 100 % féminin dans un milieu majoritairement masculin.

Collectif-Amorce-Bordeaux-photo-par-Chuck-Joris
Collectif féminin Amorce à Bordeaux – Bande de meufs qui bounce

Un collectif qui, certes, n’a pas tellement eu l’occasion de jouer en tant que tel – une date en novembre à l’IBOAT, une soirée « Heures heureuses » cet été à Darwin… – mais qui est en train d’initier une autre approche du deejaying. L’amorce de quelque chose, quoi. « C’est ce que veut dire ce nom, explique Shani, qui mixe sous le pseudo de Shanixx, L’amorce, c’est ce qui déclenche une explosion. Pour les pêcheurs, c’est aussi ce qui attire les poissons. Bon, on espère que dans trois ans on n’en sera plus à nos débuts ! »

Variété de styles & Rencontre à l’Iboat

Les six se sont connues à l’IBOAT, dans le cadre d’un dispositif de formation professionnalisante pour DJ femmes/trans/non binaires intitulé Move UR gambettes. Né pendant le confinement à Grenoble, il a essaimé à travers la France. À Bordeaux, il consiste en un cours mensuel de deux heures, sous la houlette de platinistes comme Olympe4000 ou Salomée.

Olympe4000, DJ et productrice engagée – Mix pour HÖR Berlin

« Une formation hyper-complète, apprécie Pia, alias Piaconcept. Cela comprend le mix sur platines CDJ et avec des vinyles, des notions d’ingénierie du son, des conseils en promotion/ communication. On a accès une fois par semaine au matériel de l’IBOAT, pour voir comment sonnent nos mixes sur une grosse sono. » Des liens se sont logiquement créés entre les six stagiaires, avec l’envie de continuer en dehors de la formation. Malgré les différences d’âgesde 22 à 30 ans –, d’expériences musicales – certaines jouent aussi de « vrais » instruments, d’autres n’avaient aucune pratique avant de commencer –, de styles : house, afrobeat, trance, bass music, breakbeats, techno, baile funk… « Il y a un truc de défi dans le fait de jouer ensemble, en mode “Je vais essayer de m’accorder à son style, qui est différent du mien”. On est différentes mais on a la même énergie. Partout où l’on joue, on fait des b2b. Finalement, c’est ça qui plaît : le fait qu’on passe par toute une variété de styles plutôt que de proposer une soirée linéaire où il n’y aurait que de la tech-house. »

L’aventure musicale engagée

Cette énergie commune vient-elle du fait de n’être qu’entre filles ? « On se comprend, répond Shani. On se sent plus en confiance. On ne se donne pas de restrictions. On s’entraide aussi. On se donne des contacts pour des dates perso quand on ne joue pas ensemble. » Ce qui renvoie à la difficulté, pour des DJ femmes, de trouver des engagements. Toujours le cas en 2022 ? « Il y a moins de sexisme aujourd’hui, mais persistent toujours des petites différences, note Flora/Flouf. Sur certaines dates, j’ai dû attendre deux mois pour être payée, alors que mon colocataire, qui est aussi DJ, a été réglé le soir-même. Il y a toujours une tendance à penser que le mix d’une fille sera forcément plus amateur que celui d’un garçon, qu’on doit faire nos preuves, notamment pour tout ce qui relève de la technique. »

« On travaille plus que les mecs, insiste Shani. Eux, ils sont plus décomplexés. Dans une soirée, il n’y a souvent qu’une seule fille bookée. Du coup, quand tu es “la” fille qui mixe, tu as l’impression de représenter toutes les autres. Tu as plus de pression. » Flora confirme la tendance, pour les organisateurs, de vouloir avoir forcément une fille à l’affiche, « mais juste parce que c’est bien pour la com, pas pour ce qu’on joue. Et souvent on ne te booke qu’en warm-up ». « Cela s’appelle du purplewashing », résume Pia.

State Of Mind – Extrait du premier EP de Piaconcept

Sans pour autant renoncer à l’aventure musicale engagée, quand même. Au-delà des mixes que les six membres d’Amorce assurent, l’horizon rime avec production. Un EP 4 titres de Piaconcept est sorti l’an dernier sur un label montpelliérain, dans une veine electro- pop-breakbeat. D’autres pourraient suivre. Et Victorine Prudence, Flouf et Shanixx ont envie de s’y mettre elles aussi. La base d’un label ? « Pourquoi pas ? On a envie de faire évoluer le collectif autant que nous, on a envie d’évoluer. »

✍️ Christophe Loubès

Informations pratiques

La Sueur Birthday avec Saari
Samedi 10 décembre (18h-00h)
Les Vivres de l’art, Bordeaux

F.L.O.Y.E.D : Trym + Oposition + Arma + Piaconcept + Klash Point
Samedi 10 décembre (19h45)
Hangar FL, Bordeaux

Seventh Gate version boiler room : Pawlowski + La Penderie Noire + Shanixx
Samedi 17 décembre (20h45)
L’Entrepôt, Bordeaux

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