Le musée Guggenheim Bilbao présente jusqu’en février 2024 une foisonnante rétrospective de l’artiste Gego, pionnière de l’abstraction dont l’œuvre trace une ligne fascinante à découvrir.

C’est un geste à la ligne d’horizon étendu que propose à ses visiteurs le musée Guggenheim à Bilbao. Jusqu’au 4 février 2024, « Gego, comment mesurer l’infini » met en lumière le riche travail de l’Allemande devenue par les affres du XXe siècle une artiste majeure latino-américaine.

La ligne de vie de Gertrud Goldschmidt (1912 -1994) dit « Gego », devait être tortueuse. Issue d’une famille juive allemande, elle choisit, en 1939, l’exil face à la barbarie nazie et trouve refuge au Venezuela. C’est dans ce nouveau décor que l’architecte et ingénieure de formation débute sa carrière artistique à l’orée des années 1950.

Des lignes qui dialoguent avec celles du Guggenheim

D’abord ancré dans le réel comme l’étonnant et coloré tableau « Playa Araya »le prouve, son œuvre bascule vite dans l’abstraction, reprenant à son compte les concepts de l’abstraction géométrique vénézuélienne. Dès lors, sa ligne créatrice s’affranchit des représentations pour se concentrer sur l’étendue des possibles. Lithographie, dessins, sculptures, gravures… tous les supports servent au prolongement de ce fil qui revient sans cesse sans se répéter.

Dans cette importante rétrospective soutenue par Seguros Bilbao et réalisée avec l’aide de la Fondation Gego, située à Caracas, les tracés dialoguent aussi en creux avec le musée Guggenheim aux nombreuses courbes arrondies, fruits de l’imaginaire de son concepteur Frank Gehry.

Près de 150 œuvres de Gego présentées

Pour ne pas perdre le fil, un parcours à la fois thématique et chronologique permet de saisir les différentes évolutions et tentatives artistiques de cette pionnière. Un fil d’Ariane pour se repérer à travers 40 ans de créations et près de 150 œuvres présentées. Le tout dans une immense et unique salle d’exposition. Avec, en point d’orgue, au milieu de la pièce, d’immenses et fragiles, sculptures suspendues. 

Partout, les œuvres dégagent la même prédominance, celle des lignes. Simples ou doubles, parallèles ou perpendiculaires, ces traits donnent l’impression de la création infinie.

Avec elles, Gego se joue des carcans de l’art contemporain. Ces sculptures s’acoquinent avec l’art cinétique comme le prouve avec splendeur la sculpture « Ocho cuadrados ». Ses œuvres tissées la ramènent du côté des arts appliqués. Quant à ses « dessins sans papier », ils ouvrent de nouvelles perspectives conceptuelles et créatives.

Une artiste sur une ligne de crête

Dans l’œuvre de cette artiste protéiforme se dessine, entre les lignes, la notion du jeu. Avec les matériaux utilisés en premier lieu. De l’acier, du métal à la gouache en passant par la corde, le carton ou le plastique, Gego, tord, coupe, combine, expérimente pour se jouer des formes.

Ici, la rigueur du tracé rectiligne qui a fait notamment la célébrité de Mondrian laisse souvent la place aux imperfections, aux nœuds apparents. Certaines installations semblent si frêles qu’elles menacent de se briser, notamment dans la série « dessins sans papier ».  

Une fragilité qui n’empêche pas l’élaboration de formes nouvelles. Sur une ligne de crête, Gego s’adonne à inventer de nouveaux espaces pour tenter aussi de dompter le vide, donner corps à l’invisible. Et c’est bien là le cœur de son intense réflexion ; celle d’une exploratrice invétérée de l’espace et des volumes nouveaux.

Croquis, publications et lettres nourrissent cette réflexion singulière dans l’histoire de l’art qui mérite bien un détour dans le Pays basque espagnol pour être (re)découverte.

Guillaume Fournier

Informations pratiques

« Gego, comment mesurer l’infini »,
jusqu’au dimanche 4 février 2024,
Musée Guggenheim Bilbao, Bilbao (Espagne).



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