Pour sa troisième édition, Hypermondes le festival de l’imaginaire en Nouvelle-Aquitaine a convié la monstruosité à sa table. Une invitation à se mirer dans le miroir déformant que constitue chaque œuvre.


Sur l’affiche nous invitant à pousser les portes d’Hypermondes, l’homme et le monstre sont dos à dos. Des chairs dorsales qui les relient, on ne saurait dire si elles se déchirent ou bien si elles sont en train de greffer.

Car s’ils s’opposent, homme et monstre ont longtemps marché main dans la main. Formellement, on peut sans doute dire que toute une littérature elle-même est née du monstrueux, lors de l’orageux été 1816, quand Mary Shelley donna naissance à un modèle du genre en animant la créature du Dr Frankenstein.

“It’s alive ! Frankenstein, monstre originel de la science-fiction” 

Les pages de Frankenstein ou le Prométhée moderne se posèrent comme une charnière entre fantastique et anticipation, ancêtre d’une science-fiction à naître. Le festival ne s’y trompe pas, proposant au débat « It’s alive ! Frankenstein, monstre originel de la science-fiction » avec au nombre des intervenants Nicolas Labarre (maître de conférences à l’Université Bordeaux Montaigne où il enseigne la civilisation des États-Unis), qui recherche la figure duale de la célèbre créature chez les superhéros des comic books, et Jean-François Baillon, qui enseigne le cinéma à l’Université Bordeaux Montaigne, et veille au recensement des versions cinématographiques du mythe au sein d’un corpus qu’il a baptisé Frankenfilms…

Le festival ira débusquer le monstre tel qu’il est perçu au sein de l’humanité (table ronde « Freaks et compagnie, (a)normalité de l’humain ? » et projection du film de Tod Browning), tel qu’il la menace sous de variées formes hybrides (« Vampires et autres créatures de la nuit ») ou carrément tel qu’il est tapi au-delà de notre monde, extra-terrestre plus ou moins belliqueux, au gré des tensions diplomatiques internationales (« Ces monstres qui venaient de l’espace », avec Marc Caro qui fut directeur artistique sur Alien).

Le blob raconté au festival Hypermondes

La tension sera susceptible d’atteindre son paroxysme en évoquant un H.P. Lovecraft réfugié dans l’indicible (« Nul ne saurait décrire le monstre, aucun langage ne saurait peindre cette vision de folie, ce chaos de cris inarticulés, cette hideuse contradiction de toutes les lois de la matière et de l’ordre cosmique », écrivait-il en 1926 dans L’Appel de Cthulhu) : projection du documentaire de Marc Charley Le
Monde selon Lovecraft
et exposition interactive sur l’influence lovecraftienne dans l’univers des jeux vidéo.

Le monstrueux n’étant pas qu’une notion de fiction, il sera étudié par le prisme des sciences du vivant. Ainsi le blob, cet organisme cousin des amibes, sera raconté par la spécialiste Audrey Dussutour, directrice de recherche au CNRS et talentueuse vulgarisatrice. Peut-être citera-t-elle le film éponyme de 1958 dans lequel une masse visqueuse venue de l’espace sème la terreur dans une ville américaine…

La science-fiction a toujours œuvré à distordre les réalités du progrès, poussant à fond son potentiomètre. À l’heure des mutations, de l’homme augmenté, de l’intelligence artificielle, le progrès lui-même paraît en capacité effective d’altérer la frontière entre humain et monstrueux. Pour le meilleur ou pour le pire. Cette polarité devrait animer bien des débats des Hypermondes.

Guillaume Gwardeath

Informations pratiques


Festival Hypermondes,
du samedi 23 au dimanche 24 septembre,
Mérignac (33).

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *