Le Centre national des arts de la rue et de l’espace public de la Rochelle enjambe le quartier du Gabut pour la 12e année avec Fêtes Le Pont avec un concentré de formes de rue à peine écloses, gratuites, nez au vent. Et peut-être un peu au soleil…

Quatre jours de compagnies de rue, de déambulations guidées dans la ville de La Rochelle, de spectacles militants, poétiques, et engagés. Le programme de Fêtes le Pont du mercredi 5 au dimanche 9 juin étant foisonnant, cap sur trois créations toutes fraîches — en avant-premières — de compagnies de la région ayant travaillé en résidence pendant l’année.

Shakespeare ubérisé

Savaient-ils à quel point leur détournement de Richard III pour comédiens fauchés serait dans l’air du temps, les Mash-up Production, en ce printemps 2024 où le monde des arts vivants se demande qui va survivre jusqu’à 2025 ?

Avec Sauver Richard, la troupe poitevine emmenée par l’inventive Angélique Orvain, se lance dans une piquante mise en abyme, qui voit une troupe incapable de réunir le budget de production de leur spectacle, demander aux spectateurs de devenir leurs mécènes. Dans un monde privatisé à tout va à peine exagéré, où la crise économique fait rage, où les villes sont rachetées et gérées par Danone ou Total, y’aura-t-il encore l’envie de se serrer les coudes, ou seulement l’envie de sortir les crocs acérés du chacun pour soi ?

Réponse en un joyeux bazar, drôle, monstrueux, épique, clownesque. Où Shakespeare vient glisser ses guerres, ses confrontations d’égos, et ses tirades mémorables avec force faux sang et machine à fumer.

Prophète écolo-spirituel

Après l’ultralibéralisme de Mash-Up, voici un remède spiritualo-religieux à l’angoisse de la catastrophe à venir. En solo cette fois, Gaétan Ranson, du collectif bordelais La Flambée, avance en toge blanche, façon prophète de rue ou Jésus du XXIe siècle, qui a troqué son bâton contre un micro portatif.

Qui est-il ? Dieu ? Gourou ? Savant ? Avec son pedigree de militant écolo et de conférencier gesticuleur — enfant de Franck Lepage — Gaétan Ranson utilise les armes qui sont les siennes — le clown, le rire, le stand up — pour injecter de l’euphorie dans nos éco-anxiétés rampantes. Dans la Création, on le suit les yeux fermés, prêts à s’allonger ou suivre ses préceptes, pourvu qu’on délire collectivement sur le chemin d’une réflexions co(s)mique.

Fièvre propagée

Pour sa première pièce de groupe, Fièvre, la jeune chorégraphe rochelaise Clémentine Bart a choisi l’élan fiévreux d’un corps collectif prêt à danser jusqu’à épuisement. Elle se réfère à la « manie dansante » de 1518 qui vit tout Strasbourg gigoter jusqu’à plus tenir debout.

Cette possession endiablée dessine des tableaux bestiaux et sensuels, des postures torturées ou euphoriques. Des gesticulations éruptives qui sont aussi un moyen de libérer les corps, les tensions et les émotions dans une sorte de lâcher prise ultra-physique, qui se propagera jusqu’au public.

Stéphanie Pichon

Informations pratiques

Fêtes Le Pont,
du mercredi 5 au dimanche 9 juin,
La Rochelle (17).

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