Le Frac Nouvelle-Aquitaine rend hommage à Jane Harris décédée en 2022 avec une exposition proposée par Freeny Yianni comme une lecture intime des œuvres réalisées entre 2005 et 2020.

Une qualité de lumière

La peinture de Jane Harris se différencie d’abord par la répétition d’une forme géométrique elliptique et d’une étrange qualité de lumière. Elle s’inspire de phénomènes naturels, de notations climatiques, de facteurs atmosphériques, convoque à la fois l’abstraction, le décoratif et l’illusion, et invite le spectateur à expérimenter plusieurs approches. L’enjeu consiste à conjuguer ces différents éléments. Mais il n’est pas question de pratiquer entre ces composantes un équilibre ordinaire.

Il faut être à la fois simple et complexe, incisif et consistant, concentré et expansif. Bien plus, il faut qu’en s’accomplissant, ces niveaux d’énergie et d’insistance se mêlent, qu’ils partagent les mêmes convergences, mais sans pourtant que cette jonction implique quelque restriction dans l’exercice de leur action propre.

Chez Jane Harris, tout se rapproche, tout se propage parce que les rôles s’échangent, se prolongent, les forces diverses s’associent autour d’une même exigence, et chaque proposition influence la suivante pour mieux s’en détacher.

Le mouvement d’une interrogation

Son champ d’investigation revendique ainsi une certaine ampleur : “Ma peinture n’est pas l’expression de moi-même. Ce qui m’intéresse, c’est la perception, comment nous voyons les choses. Mon intérêt est d’observer notre relation en constante évolution par rapport à certains éléments du monde que nous habitons, y compris les références au microscopique, à l’organique, au numérique et au cosmique. J’essaie de distiller ces observations dans des formes qui sont apparemment simples dans leur géométrie mais infiniment complexes à travers une attention particulière portée à la couleur, au bord, à la surface, à la profondeur et à la lumière”.

Cette attitude exige une persévérance singulière, non pas en se jouant des registres mais en trouvant au contraire en eux, dans la résistance qu’ils opposent, une chance offerte et une raison d’aller plus loin. Pourtant, cette œuvre ne se veut pas le déploiement d’une certitude, mais bien le mouvement d’une permanente interrogation.

Elle a cette rigueur, marquée par une certaine dimension poétique, qui découle d’abord du besoin de conserver face au monde la distance qui le rend curieusement déchiffrable tout en pointant sa part d’énigme. Distance fascinante qui oblige au décentrement, à l’écart, à l’extrême mobilité, afin d’observer l’alchimie qui s’opère en chaque forme convoquée et entraînée dans de multiples résonances, soumise à d’autres directions, d’autres carrefours, d’autres sollicitations.

Concentration et apaisement

Cette peinture se situe toujours entre tension et détente. Tension parce qu’elle appelle à la concentration et se risque à jouer avec les limites de son expérience. Détente parce qu’elle produit cet apaisement qui régénère et ouvre le chemin d’un rêve de vibration et d’expansion, de fluidité et de continuité.

Ce qui se convoque, c’est avant tout un contact immédiat avec une dimension sensible et la nécessité de passer avec celle-ci un pacte de création incessante. Ce que Jane Harris tente de surprendre et de circonscrire, c’est l’expression de ce contact pour lui donner une visibilité pleine de ressources.

Didier Arnaudet

Informations pratiques

« Eclipse – Jane Harris »
du jeudi 15 février au dimanche 3 mars,
et du vendredi 5 avril au dimanche 30 juin,
Frac Nouvelle-Aquitaine MÉCA, Bordeaux (33)

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