Après le musée de Tessé au Mans, la galerie des Beaux-Arts, à Bordeaux, accueille « Sage comme une image? L’enfance dans l’oeil des artistes 1790-1850″ passionnante exposition consacrée à un thème rare.
Il ne fallait pas moins qu’un commissariat tripartite — Stéphanie Deschamps-Tan, conservatrice en chef au département des sculptures du musée du Louvre ; Côme Fabre, conservateur au département des peintures du musée du Louvre ; Sophie Barthélémy, directrice du musée des Beaux-Arts de Bordeaux — pour tenter de circonscrire une thématique souvent absente, dans une période marquée successivement par la Révolution française, le Consulat, le Premier Empire, la Seconde Restauration, la Monarchie de Juillet et la IIe République.
L’Enfant, citoyen sous la responsabilité de l’Etat
Peintures, sculptures et daguerréotypes (qui se diffusent dès 1839), ici réunis, cherchent à éclairer non seulement la perception de l’enfant, mais aussi son rôle dans la société française de la première moitié du XIXe siècle. Une époque d’effervescence politique, économique, et intellectuelle, durablement marquée par l’héritage de l’Émile ou De l’éducation, publié en 1762 par Jean-Jacques Rousseau. Considéré comme un être à part entière, l’Enfant, dans ses représentations, quitte alors le monde des chérubins et autres putti. Le voici citoyen, sous la responsabilité de l’État, qui, en retour, lui demande un engament pour la Nation, souvent au prix de sa vie.
Le parcours en 7 séquences — Au siècle des révolutions : idéal et embrigadement ; Le siècle des princes maudits ; L’enfant dans l’histoire : prodiges et génies ; En famille : enfants et parents dans l’intimité bourgeoise ; Orphelins, mendiants et petits Savoyards ; Mon premier portrait ; Le corps et la psyché des enfants face à l’artiste — convoque maîtres (Corot, Daumier, Delacroix, Géricault, Ingres) et peintres régionaux, majoritairement de l’Ouest de la France, dont quelques figures féminines méconnues (Jeanne-Élisabeth Chaudet, Sophie Feytaud-Tavel).
Empreinte de dignité
Victimes des conflits armés (Bara mourant (1838) par David d’Angers), héros tragiques (Louis XVII, dauphin embastillé, martyr du Temple ; le duc de Bordeaux, en exil dès l’âge de 9 ans ; Le Jeune Gaston, dit l’Ange de Foix (1838) par Claudius Jacquand), génies fantasmés (Giotti, Montaigne, Pic de la Mirandole), sujets de folklore (les Petits Savoyards) ou de portraits (Ernest Chassériau (1835) sous le pinceau de son frère Théodore Chassériau), membres intégrés aux tableaux familiaux bourgeois ou chéris en médaillons, les enfants semblent avoir acquis plus qu’une présence légitime, une réelle personnalité. Idéalisée certes, mais dorénavant empreinte de dignité.
Marc A. Bertin
Informations pratiques
« Sage comme une image ? L’enfance dans l’œil des artistes 1790-1850 »,
jusqu’au lundi 3 novembre,
Galerie des Beaux-Arts, Bordeaux (33).