L’artiste stambouliote Hera Büyüktaşcıyan livre “terres résonnantes”, le fruit de sa résidence au Centre International d’Art et du Paysage de Vassivière, à Beaumont-du-Lac, dans une exposition façonnée par le territoire qui révèle des sédiments d’histoires transcendant nos perceptions.

« Avant le début de ma résidence, se remémore Hera Büyüktaşcıyan, j’ai effectué des recherches sur la région limousine. Une des premières choses qui a attiré mon attention a été sa profonde relation avec l’eau, à commencer par le nom de ce lieu : le plateau de Millevaches — le pays des mille sources. »

En dépit des apparences, ce toponyme n’entretient en effet aucune filiation avec le bovidé domestique à cornes. Selon les hypothèses les plus populaires, il se référerait plutôt aux nombreux lacs, tourbières et cours d’eau qui prennent leur source là. Bien que controversée (en raison de l’absence de preuves historique ou linguistique établies), cette interprétation poétique a accompagné l’artiste, née en 1984 à Istanbul, durant son séjour sur l’île.

Une dimension spirituelle

Hera Büyüktaşcıyan le sait, les contes et les légendes peuvent saisir des vérités qui transcendent le domaine du perceptible. Sur l’île, l’artiste prend le temps de découvrir les environs à travers ses histoires locales et de longues promenades. « Dans la forêt, raconte-t-elle, j’ai eu le sentiment intense d’entrer dans le territoire de l’invisible. Mon regard s’arrêtait constamment sur toutes sortes de trous, de terriers dans le sol et sous les tas de feuilles ou de branches, qui étaient peut-être des habitats d’espèces variées. »

Cette dimension spirituelle et animiste s’associe à l’épaisseur d’une autre réalité : la construction du barrage hydroélectrique de Vassivière (entre 1946 et 1951) qui a recomposé un paysage et bouleversé des vies. Cette dualité nourrit l’exposition qu’elle a imaginée en quatre chapitres. On y croise une constellation d’écorces de bois aux allures anthropomorphiques qui lévitent dans le phare. La force torrentielle de l’eau dans une cascade se déversant par les fenêtres en demi-lune de la nef. Encore, la magie des sources miraculeuses (auxquelles on prête des vertus curatives) dans un ensemble sculptural accompagné de dessins réalisés par frottage au graphite (Wolves and Sheep, Loups et brebis).

Le 9 février, l’artiste dont les œuvres figurent dans les collections du British Museum, du Centre Pompidou et de la Tate a dévoilé au cinéma de Peyrat-le-Château (Haute-Vienne) La Peau fragile du monde, une animation vidéo mettant en scène des tessons de poterie et de verre prélevés dans les ruines des hameaux engloutis par les eaux du lac de Vassivière.

Anna Maisonneuve

Informations pratiques

« Terres résonnantes », Hera Büyüktaşcıyan,
jusqu’au dimanche 10 mars,
Centre International d’Art et du Paysage, île de Vassivière, Beaumont-du-Lac (87).

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