Point encore de vastes champs de houblon ou d’orge à l’horizon, mais de légères à intenses, d’amères à fruitées ou florales, les bières locales s’imposent aujourd’hui sur les tables baignées de soleil et les comptoirs. Effet d’aubaine ou tentative artisanale sincère, une vingtaine de brasseurs aquitains imposent aujourd’hui leur IPA, lager, stout, pils, koelsch ou blanche.

Passage en revue de quelques breuvages houblonnés, de Seignosse à Mortagne-sur-Gironde, en passant par Bordeaux et les environs. L’occasion de revenir sur quelques tendances, les grandes familles de bières. À l’instar des trappistes belges, des stouts irlandaises, des pilsners tchèques, des lagers allemandes ou encore des IPA américaines, la Nouvelle-Aquitaine s’imagine en faiseurs de bières blondes ou brunes, poussée il est vrai par le boom mondial de la bière à l’heure où le vin se cherche un nouveau souffle parmi la jeunesse (ingrate). Au cœur de la myriade de brasseurs locaux, nous avons retenu six bières qui nous semblent balayer les possibles en termes de goûts et d’attentes.

L’amateur goûtera les bières en se souciant tout d’abord des équilibres entre l’acidité, l’alcool et l’amertume. Il analysera la bulle et s’arrêtera sur la sécheresse tout comme on pourra le faire pour décrire les tanins d’un vin. La persistance et le type de saveur en finale rentreront également en ligne de compte pour l’analyse gustative.

Du houblon et du bon goût

Un rapide retour sur la méthode de fabrication de la bière. Le malt, les levures, l’eau et le houblon sont les ingrédients nécessaires pour élaborer une bière. On chauffe un mélange d’eau et de malt que les enzymes transformeront en sucres simples fermentescibles. On incorpore du houblon dans ce moût porté à ébullition pour les arômes et l’amertume.

On ajoute des levures qui auront pour fonction de transformer les sucres en alcool et en gaz carbonique et d’apporter de nouveaux arômes. Enfin on rentre en phase de conservation de la bière au froid afin qu’elle se clarifie, gagne en profondeur et complexité. C’est alors qu’on pourra remettre un peu de houblon ou encore d’autres ingrédients (miel, fruits, etc.).

En zythologue amateur, l’auteur de ces lignes a ramené dans ses filets une pils de la brasserie DAC, une koelsch de Rosny, une pale ale d’Effet Papillon, une blonde ale de Zebra, une IPA d’Azimut et une blonde de la malterie-brasserie Girardeau.

Petite sélection forcément subjective

Au nez, la Pils Citra Coriandre évoque le citron à peine confit, le tout reste gracile et d’une belle fraîcheur autour de notes légèrement mentholées et fugacement herbacées. La bouche fraîche et acidulée est à peine marquée par de délicats amers. Finale assez sapide.

La Blonde Ale (AB) propose des expressions à peine maltées au nez. Les arômes sont mâtinés de fragrances de fruits estivaux et d’épices. La bouche suave, presque douce, convoque, à l’instar du nez, quelques notes délicatement torréfiées. Les amers finaux sont discrets et fins.

L’India Pale Ale (AB) offre au nez des notes suggérant les agrumes, le pamplemousse ou encore la réglisse. L’attaque est marquée par un joli équilibre entre les amers élégants et la rondeur d’un jus frais plein de suc.

Le nez de la High Tide (AB), style koelsch, dévoile des notes délicatement torréfiées et le pomelo pulpeux. La bouche puissante et dynamique est portée par de subtils et désaltérants amers. Belle longueur et équilibre acidité-amertume parfait.

L’American IPA convoque au nez d’intenses arômes de fruits tropicaux. On retrouve en bouche ce fruit plein et juteux qui finit par s’écarter pour laisser poindre des notes de zeste de citron et de pamplemousse.

La 17 (AB) est une bière fermière sur lie, non filtrée, non pasteurisée, brassée à la ferme à partir de malt bio produit et torréfié sur place et embouteillée à la méthode champenoise. Aussi rare que bonne, cette bière séduit par son nez de citrus et de verveine. La bouche, tout aussi convaincante révèle un corps énergique et des amers jamais enserrants.

Henry Clemens