Jusqu’au 1er juin, l’espace culturel François Mitterrand, à Périgueux, accueille “Corps”, une exposition collective et pluridisciplinaire pour mieux questionner cet éternel motif de l’histoire de l’art.
Sous la houlette de Pierre Ouzeau, directeur artistique de l’Agence culturelle départementale Dordogne-Périgord, et de Marie-Pierre Bonniol, commissaire indépendante connue notamment pour son merveilleux travail de programmatrice du feu BBMix, ce présent corpus s’empare d’un sujet irriguant depuis l’aube des temps la création.
Plus prosaïquement, au départ, le questionnement sur une thématique susceptible d’agréger les champs d’intervention de l’Agence — spectacle vivant et arts visuels — et d’être, évidemment, déployée sur toute la Dordogne. Et, c’est là qu’entre en jeu la linguistique. « Corps » se déclinant successivement en « faire corps », « faire son corps » et « faire avec son corps ».
28 artistes à la noce
À l’arrivée, les œuvres (peintures, dessins, installations, photographies, sculptures) retenues par Pierre Ouzeau, notamment dans les fonds de trois FRAC de Nouvelle-Aquitaine, et le programme vidéo concocté par Marie-Pierre Bonniol explorent le corps polysémique. Vieillissement, transformation, affirmation par le genre, mutation, transformisme… chair et squelette sont ici appréhendés dans une acception universelle n’excluant aucun public, jouant des supports comme des échelles, du ludique au grave.
Soit 28 artistes à la noce, dont un notable contingent néo-aquitain — Kristina Depaulis, Paul Maheke, Monif Ajaj et Stéphanie Caillaud, graphiste qui signe de ses poings l’affiche de l’exposition — interrogeant non seulement le rapport, mais aussi la perception de notre enveloppe charnelle. Ou de notre carcasse, c’est selon.
Fusion de Sisyphe et Monty Python
Si l’on ricane des Jalousies d’Annette Messager, portraits féminins découpés dans les magazines et amoureusement raturés, on se ridiculise avec un plaisir non dissimulé en posant son nez sur les Anasoirs de Kristina Depaulis, songeant à ce que cet acte de polissage de la partie en bronze peut avoir de grotesque lorsque réalisé en groupe. Facétieuse, la Guérétoise convie à essayer ses chaussures en céramique, dont les semelles convexes empêchent toute posture droite au profit d’une démarche de héron ivre. En écho, Down to Earth de l’Autrichienne Anna Vasof, entre absurde et contrainte, fusionne Sisyphe et Monty Python.
Réceptacle de simulacres, le corps, en l’occurrence celui de la sculpturale Lisa Lyon, sous l’objectif d’Helmut Newton ou de Robert Mapplethorpe, s’envisage soit comme un archétype façon Leni Riefenstahl, soit comme un obscur objet de désir. Tout aussi troublant, le strip-tease inversé de Marilou Poncin, Être belle comme elles (2023), levant le voile sur les mille et un artifices utilisés pour tenter d’atteindre les canons instagrammables de Kim Kardashian.
Violence infligée au corps
Échappés des rêves de David Cronenberg, Déconditionnement (2018) et Dégradé (2023) de Florent Lamouroux et La Mue (1992) de David Renaud plongent l’esprit dans un vertige confinant au malaise. Chrysalide, exosquelette, dédoublement schizophrène ?
A priori incongru dans le parcours, le canapé tout sauf engageant de Laëtitia Badaut Haussmann rappelle que la violence infligée au corps peut également s’exercer dans un cadre domestique. Heureusement, on trouvera un peu de réconfort en (re)voyant les mythiques Réveils (1988) du facétieux Pierrick Sorin.
Marc A. Bertin
Informations pratiques
« Corps »,
jusqu’au samedi 1er juin,
espace culturel François Mitterrand, Périgueux (24).
RENDEZ-VOUS PUBLICS
• Visite commentée et intervention de Soraya Thomas « Passerelle », samedi 20 avril, 14h.
• Visite commentée, samedi 27 avril, 14h.
• Visite commentée traduite en langue des signes française, samedi 6 avril, 14h.
• Atelier en famille, samedi 25 mai, 10h (gratuit sur réservation).
• Dévernissage et performance de Ludor Citrik et cérémonie du pied, méditation plâtrée par Kristina Depaulis, samedi 1er juin, 17h.