Loin d’un banal biopic, l’album Le Dernier Jour de Howard Phillips Lovecraft de Romuald Giulivo prend les atours d’une histoire hallucinée grâce au trait organique et expressionniste de Jakub Rebelka

Raciste, misanthrope, décliniste, socialiste tendance nationale, H.P. Lovecraft possède le type de joyeux CV qui pourrait faire passer l’infréquentable Céline pour un adepte de la pensée positive et de la bienveillance.

En ce jour du 15 mars 1937, l’écrivain maudit, le corps drainé de morphine, attend la mort comme une délivrance. Toutefois, avant de sombrer à jamais vers le néant, et, croit-il, l’oubli, ses personnages, ses créatures, son ex-femme et même ses lointains héritiers s’immiscent dans son esprit malade pour tenter de sonder la profondeur de son abîme intérieur.

Premier roman graphique sépulcral

Fin connaisseur de la geste lovecraftienne, l’écrivain Romuald Giulivo signe un premier roman graphique sépulcral abordant les multiples aspects de la vie et l’œuvre de celui qui fut surnommé à tort le Reclus de Providence. Pas si ermite, HPL a pourtant (un peu) voyagé et n’a cessé de nourrir une vaste correspondance avec ses rares amis ou confrères.

Exhumées progressivement, ces lettres sont autant de biais souterrains pour explorer la psyché de l’écrivain dont les peurs indicibles et innommables, les craintes irrationnelles, semblent porter en germe toutes les horreurs à venir du XXe siècle.

Maudit jusqu’au bout

Être complexé, complexe et contradictoire (cet antisémite a vécu sa seule passion amoureuse avec une juive), Lovecraft apparaît comme le refoulé exacerbé de son époque, sa mauvaise conscience, ce qui pose la question de l’héritage culturel de ce monolithe mouvant dont les visions fangeuses et atrophiées continuent d’irriguer la création contemporaine tous azimuts.

Loin d’un banal biopic donc, l’album prend les atours d’une histoire hallucinée grâce au trait organique et expressionniste de Rebelka qui, dans ses meilleurs moments, rivalise avec le grand Alberto Breccia. Reste que les auteurs, en montrant le mourant face à ses juges et à ses propres démons, alimentent une nouvelle fois la mythologie noire de l’écrivain en sacrifiant à son pire cauchemar : le transformer en personnage de fiction. Maudit jusqu’au bout.

Informations pratiques

Le Dernier Jour de Howard Phillips Lovecraft,
Romuald Giulivo et Jakub Rebelka,
404 Éditions

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