À la veille de la 27e édition du festival enfance et jeunesse, la tête dans les nuages, petite revue d’effectifs avec Sonia Kéchichian, directrice du théâtre d’Angoulême.

Vous mentionnez à la une de la plaquette « à partager en famille ». La transmission, est-ce la clé ?

Le partage plutôt que la transmission. Ni ascendant ni descendant. Les enfants peuvent ouvrir le regard des adultes et inversement. L’émotion restera toujours l’endroit même du partage.

13 propositions en 12 jours, on ne risque pas de s’ennuyer !

C’est effectivement le principe. Il y a une grande diversité de propositions car depuis 3 éditions, j’essaie de déployer au mieux des formes à l’attention de tous les âges ; je vise un panel le plus large possible.

Certes, on pourra s’émerveiller quotidiennement, mais il faut noter une grande concentration d’événements les samedis 9 et 16 mars, en écho à nos rendez-vous réguliers, les « Samedi fantastik », durant lesquels le public peut aussi bien participer à des ateliers qu’à des rendez-vous, à des rencontres voire un brunch ponctuant une représentation.

Comment s’y prend-on pour trouver l’équilibre des propositions destinées aux différents publics, du premier âge jusqu’aux adolescents ?

Mon projet défend la création envers l’enfance et la jeunesse. Je vois beaucoup de spectacles, j’effectue une veille très attentive. Toutefois, je ne suis pas seule à bord, nous avons une cellule interne forte de 4 personnes. Il en résulte un mélange entre spectacles connus, coups de cœur et engagement pour des créations originales car notre festival est un temps particulièrement repéré par les professionnels. Ces efforts sont payants car le public familial est au rendez-vous. Nous avons, en outre, développé tout un accompagnement pour le faire venir tout au long de l’année.

Vous aviez mis en avant dans la brochure de saison 3 spectacles : La Vague, Les filles ne sont pas des poupées de chiffon et Voyage au bout de l’ennui. Pourriez-vous nous mettre un peu plus l’eau à la bouche ?

Traditionnellement, à chaque début de saison, nous effectuons une petite sélection de grandes formes pour annoncer le festival. Elle s’adresse volontairement à tous les âges ; un choix revendiqué mais aussi un équilibre auquel nous veillons lors de ce dévoilement.

La Vague est l’adaptation du roman éponyme de Todd Strasser, inspiré d’une expérience menée en 1969, dans un lycée de Palo Alto, en Californie, par un professeur d’histoire, Ron Jones. Artiste associée au théâtre d’Angoulême, Marion Conejero s’intéresse, elle, depuis très longtemps aux questionnements propres à l’adolescence, adaptant souvent des romans pour en faire un texte immédiatement accessible au public adolescent, prenant parfois quelques libertés de mise en scène.

Ce choix-là relève d’une nécessité au regard de l’époque, celui de porter à la connaissance des adolescents cette expérience sur la montée inéluctable du fascisme dans une communauté réduite et recluse sur elle-même. Le récit nous prouve que ces mouvements a priori contrôlés peuvent échapper à leurs instigateurs. Il y a une prise de conscience par rapport à ce qui se produit au plateau grâce au jeu habité de très jeunes comédiens…

Les filles ne sont pas des poupées de chiffon est un spectacle créé à l’automne dernier. Nathalie Bensard puise dans le conte pour aborder la malédiction de « naître fille », hélas toujours prégnante. C’est l’histoire d’Ella, quatrième fille de sa famille, qui vit son arrivée comme telle et qui, voulant éviter l’opprobre, décide de la transformer en Eli pour masquer la réalité. Malgré ou grâce à ce subterfuge, Ella/Eli découvrira tous les interdits…

Enfin, Voyage au bout de l’ennui convoque le plaisir du mouvement et cette joie profonde chez chaque enfant, qui, dans un moment d’ennui, développe son imaginaire avec tout ce qui se trouve à proximité. Le corps devient terrain de jeu voire un élastique. Les interprètes sont des espèces de chewing-gums géants aux attitudes improbables. Autant dire que le titre du spectacle est un beau pied de nez !

Quid de Motel du MAR collectif, coup de cœur du club programmation 2023 ?

Clémence Boucon et Prune Ventura, anciennes diplômées de l’éstba, forment le MAR en 2021. Motel est un projet remontant à leur fin d’étude. Fanatiques de thrillers, adoratrices d’Alfred Hitchcock, amatrices de polars coréens contemporains, elles essaient de transposer cet univers au plateau en mélangeant théâtre, danse, musique et projection d’ombres tout en s’amusant beaucoup et en appuyant les clins d’œil au genre.

On peut même parler de « théâtre de genre », à la manière de la série B ; une tendance qui séduit beaucoup, y compris le club programmation. On constate une floraison de propositions sur l’air du détournement et du décalage. Néanmoins, le MAR collectif n’oublie pas son objectif car elles y tiennent et ce n’est pas si fréquent : faire peur. Le club programmation est un dispositif mis en place il y a 2 saisons s’adressant à des 15-20 ans, sur la base du volontariat, à qui l’on transmet toutes les clés d’un programmateur pour une durée de 4 à 5 mois.

Le but ? Choisir un spectacle au sein d’une dizaine de propositions préalablement établies par mes soins. 3 ou 4 sont alors retenues, puis provoquent par la suite des rencontres avec les artistes à l’issue desquelles il faudra ne retenir qu’un seul spectacle, qui intégrera le festival la saison suivante. Le plus important dans ce choix, ce sont la rencontre et l’échange entre les individus. Et le choix final est toujours une évidence.

Propos recueillis par Marc A. Bertin

Informations pratiques

La tête dans les nuages,
du mardi 5 au samedi 16 mars,
Théâtre Angoulême scène nationale, Angoulême (16).

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