Rituel automnal littéraire, le festival itinérant Lettres du Monde célèbre ses 20 ans du 16 au 26 novembre. Parole à Cécile Quintin, infatigable directrice de l’éponyme association qui œuvre pour la promotion et la diffusion des cultures et littératures du monde.

À l’origine ?

Un projet né de la fin d’une histoire — c’est paradoxal — et de ma rencontre avec Sylvaine Sambor, directrice des Carrefour des littératures, manifestation qui elle aussi avait choisi l’itinérance et les littératures étrangères, notamment celles du bassin méditerranéen.

Je pensais qu’il y avait une suite à donner et trouvais dommage de laisser tout choir au bout de 17 ans, d’autant plus qu’un réseau s’était déjà constitué, j’ai donc créé une association. Ainsi sont nées les Lettres du Monde, bordelaises, puis girondines, et désormais néo-aquitaines.

20 ans, se pince-t-on pour y croire ?

On a des doutes, surtout en ce moment, mais l’envie demeure, les partenariats professionnels également ; le réseau des bibliothécaires en priorité. Lettres du Monde est devenu un label unique dans les territoires de Nouvelle-Aquitaine. Nous œuvrons à la découverte, des primo-romanciers aux valeurs confirmées. C’est un travail incessant de donner l’envie surtout quand la littérature étrangère ne se porte pas si bien. La curiosité, voilà ce qui manque cruellement aujourd’hui…

En quoi Lettres du Monde a-t-il évolué ?

La taille du territoire, qui pose aussi ses limites, surtout avec une équipe aussi réduite. Il faut en permanence continuer de se faire connaître, convaincre les réseaux des bibliothécaires comme celui des librairies indépendantes, diffuser, infuser, aller vers des territoires avec peu d’offre en la matière comme le Lot-et-Garonne.

Ainsi, cette année, initions-nous une action avec 5 bibliothèques aux propositions différentes mais communiquant de concert. Tout ça se construit, il n’y a rien d’inné. Dorénavant, il faut faire commun, mutualiser les énergies pour captiver le public car l’auteur vient pour lui et non en tournée promotionnelle ; certains d’ailleurs sont stupéfaits par le caractère itinérant, cette manière de travailler les surprend : petites villes, petites librairies indépendantes sont rarement le lot des auteurs nord-américains.

En avril, nous présentons la programmation à nos partenaires, chacun fait son choix auquel nous essayons au mieux de répondre afin que s’opère un « partage harmonieux » autour de la venue des auteurs. Parfois nous orientons, mais l’expertise revient au réseau qui connaît bien mieux son public et assure le travail de médiation.

Martine Laval, conseillère littéraire du festival, parle de « passeurs de livres ». La transmission, est-ce votre rôle ?

Oui, celui de vrais choix personnels sans rapport avec la rentrée littéraire. Parfois des découvertes, grâce à son flair. Si modestement nous pouvons y contribuer, alors tant mieux.

18 plumes sont-elles suffisantes pour appréhender le monde en 2023 ?

Il n’y en a jamais assez ! La frustration est permanente. Cependant, on réduit pour tout un tas de raisons, du coût à la disponibilité. 10 jours de festival, c’est une sacrée logistique car nous construisons tout pour chaque invité. Honnêtement, mieux vaut travailler le sur-mesure que grossir, nous ne sommes pas un salon du livre.

Nos programmes doivent être diversifiés pour les écoles, les lycées, les bibliothèques, les librairies. Mon seul regret, c’est de ne pas aller encore dans certains territoires de la région. Lettres du Monde, c’est familial, une petite troupe sur la route. On ne rêve pas de démesure.

Après 20 ans, rien n’est acquis. On recommence à chaque fois.

Et votre public ?

Public vieillissant, augmentation du prix du livre, comment le renouveler ? En multipliant notamment nos interventions pédagogiques (école, lycée, université) et ces efforts portent leurs fruits, c’est une affaire de patience. Il ne faut surtout pas baisser les bras.

Plus que jamais, semer des graines et éveiller les esprits. À chaque édition, on se demande bien qui sera là ? La surprise est permanente. Nulle règle d’or. Après 20 ans, rien n’est acquis. On recommence à chaque fois.

Rendez-vous pour les 40 ans ?

Difficile de se projeter. On a dressé un bilan de ces 20 ans à l’heure de l’inflation. Quelles sont les conditions pour continuer en préservant notre liberté éditoriale ? Pour autant, on refuse de se brimer.

Les ventes de littérature étrangère sont en chute en France, certains éditeurs spécialisés baissent la voilure. Bref, ça se complique. On se bat pour notre indépendance, refusant d’être soumis à la contrainte.

Propos recueillis par Marc A. Bertin

Informations pratiques

Lettres du Monde, « Avoir 20 ans »,
du jeudi 16 au dimanche 26 novembre,
Bordeaux & Nouvelle-Aquitaine.

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