THOMAS VDB – La contradiction fait partie de la vie, aussi peut-on s’autoriser à imaginer Thomas Vandenberghe à la fois hyperactif et procrastinateur. On l’entend à la radio. On le voit à la télévision et au cinéma. Il court villes et campagnes pour jouer à guichets fermés son nouveau spectacle solo dans lequel il décline ses désopilantes facultés d’adaptation dans un monde en surchauffe. Il fait aussi paraître son premier livre, Comedian Rhapsody, le parcours hilarant d’un enfant du rock, à lire aussi comme une invitation à savoir s’écouter et à trouver sa vocation profonde. 

Propos recueillis par Guillaume Gwardeath.

L’humour est la politesse du désespoir, selon l’adage. L’humour n’est-il pas aussi une manière polie de donner des leçons ?

En écrivant mon spectacle, un de mes buts était de ne surtout pas passer pour un donneur de leçons… Je demande juste poliment aux gens de faire attention. En tout cas, je leur annonce que je fais ce que je peux, à mon humble niveau, pour faire attention, dans un contexte qui ne dépend pas que de moi… Quant à l’humour comme politesse du désespoir, c’est un fondamental auquel je n’ai eu de cesse de penser ces deux dernières années, non pas que e fusse guetté par le désespoir, mais parce que je n’ai eu que des retours positifs sur les blagues que j’écrivais sur des sujets… qui me font flipper.

Grosse chemise, bretelles et Pataugas® aux pieds : pour faire passer ce coup de gueule contre le réchauffement climatique, peut-on dire que tu surjoues le personnage de néorural qui est le tien ? 

Voilà qui est finement observé. Savoir comment m’habiller a été une constante source de déboires dans ma vie. J’ai eu le même problème sur scène pendant des années. À quoi bon porter autre chose que les T-shirts de groupes de rock qui m’ont été offerts il y a dix ans ? J’ai fini par penser – avec l’aide de mes producteurs – que quitte à faire du stand-up, autant avoir un costume. On n’allait pas m’habiller en Dolce & Gabbana, c’était sûr et certain, mais l’idée était : « habillons ce personnage au plus près de son discours ». D’où ces habits qui font très Charles Ingalls !

Sophie Ebrard © Flammarion

Tu évoques le fait d’être père dans ton spectacle. Est-ce depuis que tu as des enfants que tu t’inquiètes de l’état dans lequel tu vas contribuer à laisser la planète Terre ?

Dans le spectacle, ma seule allusion à la paternité est une façon détournée de parler de l’absurdité des applications disponibles sur les smartphones et de l’abus de confiance effrénée qu’elles entraînent (il existe vraiment une application à cause de laquelle j’ai fini par laisser mon fils partir avec un inconnu dans un train…). Je rêve qu’on éradique cette dépendance et que l’on revienne tous au carnet de notes et au téléphone fixe ! Ne serait-ce que pour en finir avec cette nuisance absolue pour la planète, entre les conditions de fabrication, le stockage des données et le renouvellement tous les trois ans des appareils. Clairement, avoir des enfants a radicalement changé ma façon d’appréhender l’avenir. Il y a eu un avant et un après.

« Aie au moins la politesse que ce soit drôle. »

Des enfants qui te questionnent sur ta responsabilité, on en entend dans le spectacle, par le truchement de la bande- son et d’un chœur d’enfants, façon Il faudra leur dire

Exactement ! Cette chanson de Francis Cabrel a été une de mes références quand j’ai eu l’idée du morceau, avec aussi En l’an 2001 de Pierre Bachelet.

Tu interprètes aussi de nombreuses chansons a capella, avec cette manière de chanter sans grand souci de la métrique ou de la rime qui semble être ta signature.

J’ai compris assez vite que mes jingles chantés lors de mes chroniques sur France Inter avaient un certain succès. Ça me fait marrer de chanter un peu mal, avec beaucoup d’énergie et de conviction. Je ne tiens pas une heure avec ça, heureusement ; il s’agit de petites parenthèses dans le spectacle.

Dans Comedian Rhapsody, on peut découvrir les débuts de ces improvisations au micro, mais dans un contexte tragi-comique de soirée d’entreprise sur un fond de violence capitaliste assez éprouvant…

Effectivement. Je n’ai pas le souvenir d’avoir chanté comme un gros porc une chanson a capella pendant trois minutes avant cette fois-là, où j’étais pompette au beau milieu de la fête de rachat du groupe de presse du magazine dans lequel j’officiais en tant que journaliste. Je pense que c’était une façon de leur annoncer que j’allais bientôt me casser. Mais eux l’ont pris comme la démonstration que j’étais à fond dans l’esprit de la boîte !

Sophie Ebrard © Flammarion

Ce livre est une histoire chronologique de ta vie professionnelle : le volume 1 de ton autobiographie ?

Une partie seulement de ma vie, en évitant d’y coller le mot « mémoires » ou le mot « autobiographie ». Cela aurait été bien trop pompeux et nombriliste ! Qui fait paraître son autobiographie à 44 ans ? Je voulais juste raconter ma passion pour la musique et d’autres obsessions, car je savais que ça me ferait marrer. « Quitte à ne pas avoir l’humilité d’écrire autre chose qu’un truc autobiographique, aie au moins la politesse que ce soit drôle », tel était mon objectif.

Un des derniers chapitres s’intitule « moments de solitude en interview». Doit-on en déduire que tu feras toujours preuve de sympathie pour le journaliste qui viendra à son tour t’interviewer et qui peut-être sera maladroit ou approximatif ?

Ah oui ! Cela m’arrive encore souvent de me retrouver en face de gens qui sont comme j’ai pu l’être à de nombreuses reprises : pas au bon endroit. Par exemple, je me suis retrouvé obnubilé par l’idée que j’étais en train d’interviewer Bobby Gillespie de Primal Scream, au point de ne plus écouter du tout ses réponses à mes questions. Voilà ce que j’appelle ne pas se trouver au bon endroit. Des situations où l’on se sent un peu « bancal ». Dans le livre, j’évoque ces interviews où malgré mon DEUG d’anglais je ne comprends rien à ce que me dit le mec en face. Aussi, en effet, suis-je à présent très indulgent.

Tu as en outre la réputation d’être un type globalement sympa. Comment gère-t-on la notoriété et le succès ?
Une chanson de mon groupe préféré de tous les temps, les Sparks, est intitulée Likeable : les paroles racontent l’histoire d’un mec dont le drame de la vie est d’être un mec « sympa ». Cela traduit le versant pesant de la chose. Je dirais que j’aime bien la gentillesse. J’aime que l’on soit gentil avec moi, j’essaie de l’être avec les autres. Si je dois gérer un importun, disons que j’ai une façon bien à moi de lui montrer que je suis sympa, mais que je suis hyper-pressé…

« Quand tu réalises un rêve, il faut vite en avoir un autre dans la foulée. »

Sophie Ebrard © Flammarion

Tu auras à gérer une typologie supplémentaire de fans du fait de te retrouver à l’affiche du prochain Astérix au printemps prochain…

Ah, ce rôle, je sens bien que je vais plus en parler que ça ne m’a pris de temps pour le tourner ! J’ai été reconnu après mes spectacles de théâtre de rue, je l’ai été après mes sketches à la télévision, alors les interpellations des gens après Astérix, ce sera juste une interaction de plus. Je ne classifie pas les gens qui m’arrêtent dans la rue par typologie ! Précisons que dans le film, je joue le rôle d’un Romain qui ne fait pas long feu. J’ai eu la joie de tourner ça avec Marc Fraize qui est génialement drôle. Notre duo de légionnaires se retrouve très vite dans le film face à Astérix et Obélix. C’est une énorme machine, le tournage d’une production pareille, alors jouer avec Guillaume Canet et Gilles Lellouche, dans une forêt au nord de Paris, a été une excellente expérience.

N’es-tu pas en attente du moment où l’on viendra te proposer un rôle quelque peu à contre-emploi, pour changer du « neuneu » ébouriffé ?

J’ai eu la chance de jouer dans un drame magnifique, Claire Andrieux, réalisé par Olivier Jahan. J’en parle d’ailleurs dans mon spectacle (et vous pouvez le trouver en VOD sur Arte). C’est un film dans lequel je n’ai absolument pas vocation à faire rire. Toutefois, je ne suis pas en attente de prouver que je suis capable de jouer dans le registre dramatique. Pourquoi pas, mais je préférerais jouer dans une comédie ; sans forcément y incarner un personnage ahuri.

Tu écris dans ton livre : « Les deux seuls métiers qui me faisaient rêver étaient comédien et journaliste dans la musique. » Alors, en conclusion, mission accomplie ? 

Les choses se sont parfaitement enchaînées pour moi. J’avais choisi ces métiers-là car je m’étais bien rendu compte que le « vrai travail » serait un truc qui ne me plairait pas trop dans la vie. C’était cool, mais cela m’a fait prendre conscience que quand tu réalises un rêve, il faut vite en avoir un autre dans la foulée.

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