Le jeune directeur du musée Bonnat-Helleu est affairé à la nouvelle mue de l’institution bayonnaise, après bientôt 15 années de fermeture.

L’accrochage se fera durant l’été, puis Barthélémy Etchegoyen Glama rouvrira les portes du musée Bonnat-Helleu en novembre prochain, une fois achevée la colossale rénovation. Enjeu majeur : la mise en valeur d’une extraordinaire collection, avec des œuvres de Géricault, Rubens, Rembrandt, Michel Ange ou Léonard de Vinci, soit le plus gros dépôt du musée du Louvre sur le territoire français.

Nous ne pouvons que commencer par une notice biographique vous concernant, en insistant sur la consonance locale de votre patronyme…

Je suis originaire de Saint-Palais. Je suis allé à l’école primaire à Labastide-Clairence et au collège à Hasparren ; c’est dans ces années-là que j’ai passé la porte d’un certain musée Bonnat… Cela m’a donné envie de travailler dans cet univers. Je me suis rendu dans un lycée de Bretagne pour suivre l’option histoire des arts au baccalauréat, puis j’ai poursuivi à Paris, à l’École normale supérieure et à la Sorbonne, puis en doctorat aux États-Unis, à l’université Columbia, où j’ai ensuite enseigné.

En 2022, je suis revenu à Paris pour travailler au musée du Louvre, en qualité de conseiller de la présidente-directrice, en charge de ce que l’on appelle le projet d’établissement, c’est-à-dire la stratégie scientifique et culturelle. J’ai été nommé à Bayonne en février, et je suis heureux de me retrouver en capacité de rendre à ce territoire ce qu’il m’a tant donné.


Ressentez-vous à Bayonne une fébrilité à l’approche de la date de réouverture du musée ?

Elle est tout à fait perceptible ! La fréquentation lors des visites de chantier nous fait bien prendre la mesure de l’attente que suscite ce musée. Il a beau avoir fermé ses portes en 2011, il a laissé une empreinte très forte dans les mémoires de ceux qui ont déjà eu l’occasion de le visiter, et ceux qui sont passés devant sa façade ou en ont entendu parler ressentent une très grande curiosité.

Au-delà des enjeux purement artistiques, l’investissement a des airs de véritable pari pour la ville…

La côte basque est une destination de villégiature privilégiée, mais il est juste de dire qu’il manque une dimension : celle du tourisme culturel. Voilà une différence, par exemple, avec la ville de Bilbao, ou celles de Barcelone ou Bordeaux. L’espoir qui est fondé sur l’ouverture du musée Bonnat-Helleu, c’est de susciter cette forme de tourisme.


Et pour attirer les habitants du territoire, nous pouvons supposer que vous avez envisagé toute une politique de médiation ?

Le premier acte de médiation, c’est la manière dont on présente les œuvres. Le parcours ne sera pas nécessairement celui du traditionnel musée des beaux-arts, mais celui d’un musée de l’émotion, qui s’adresse à tous, ne demande pas aux gens de venir à lui, mais va vers eux. Nous voulons cultiver un rapport aux œuvres très intuitif. Il ne sera pas nécessaire d’être un connaisseur. N’importe qui, quel que soit son bagage culturel, peut apprécier la beauté d’une peinture ou d’une sculpture.

On pourra ainsi rentrer dans le musée par la thématique du corps. C’est une thématique que tout le monde connaît, car a priori chacun en a un ! Une grande galerie sera ainsi dédiée à deux mille ans de représentation du corps, de l’antiquité égyptienne à la peinture de Léon Bonnat, en passant par une vierge et un christ du Moyen-Âge. Cela aidera à comprendre qu’il y a des façons différentes de représenter les choses. Les salles suivantes permettront de densifier et de complexifier le discours, en passant à la question du sacré, à celle du pouvoir, etc.

L’information sera ainsi donnée de façon très horizontale. Pour favoriser les regards multiples sur la collection, nous envisageons de créer des ponts avec le théâtre, la danse, le chant, la musique contemporaine, la performance ou encore les conférences. Cela ne se fera pas dans un auditorium fermé, mais dans les salles, au contact des œuvres.

Vous ne priverez tout de même pas le visiteur de salles thématiques, par écoles ou grands courants propres à certaines époques ?

Ce ne sera pas la porte d’entrée, mais cela va évidemment exister. Le spécialiste ne sera pas perdu. Il y aura une salle dédiée au XVIIe siècle européen, des salles réservées à l’art espagnol ou à l’art britannique, un étage consacré au XIXe siècle… Mais permettons-nous d’interroger la notion d’école nationale parmi les grands peintres qui sont rassemblés dans notre collection ! Prenons Rubens : il vient des Pays-Bas, a travaillé à Paris et à Londres, et les œuvres que nous avons de lui ont été faites pour le roi d’Espagne… Cela devrait nous empêcher de penser dans le cadre d’une « école hollandaise ». Il faut plutôt penser à un système d’échange à échelle européenne.


Les échanges internationaux, voilà une pratique collaborative qui devrait d’ailleurs faire partie de votre stratégie…

Mais cela a déjà commencé ! En ce moment même, deux de nos œuvres sont prêtées au Metropolitan Museum of Art de New York : le portrait de Thomas Alexandre Dumas par Louis Gauffier pour une exposition dédiée au dandysme noir, et le grand portrait de la comtesse Potocka par Léon Bonnat pour une exposition consacrée au peintre John Sargent. Cela en dit beaucoup sur la valeur de la collection du musée, et sur son inscription dans les réseaux internationaux. Les idées et les perspectives ne vont pas manquer.

Avez-vous réservé une belle place à un café ou à un lieu de détente, ces espaces qui paraissent de nos jours participer de l’identité des musées qui les abritent ?

On peut en effet le voir comme ça, d’autant plus que le café du musée sera ouvert sur la rue, tout comme sa boutique-librairie. Ces lieux traversants donneront accès directement à la cour intérieure, sans qu’il soit nécessaire de passer par la billetterie. Ces espaces seront un lieu de vie et de rencontre dans la ville, et, bien entendu, autant de portes d’entrée vers le musée et ses chefs-d’œuvre.

Propos recueillis par Guillaume Gouardes

Informations pratiques

Musée Bonnat-Helleu
5, rue Jacques-Laffitte, 64100 Bayonne
Ouverture au mois de novembre 2025