« On croit qu’on va faire un voyage mais bientôt c’est le voyage qui vous fait ou vous défait », écrivait Nicolas Bouvier dans L’Usage du monde. Il en est de même des quelques mètres ou kilomètres parcourus pour se rendre dans les petits concerts du microcosme indépendant, ils vous font ou vous défont. Rock en roue libre sur les routes de la Nouvelle-Aquitaine.

Mandibula vs. Sordide à Bordeaux

À Bordeaux, dès le premier jour de novembre, pour les fans de death et de black, le choix ne saurait être que déchirant. Le voici, l’underground DIY dans toute sa splendeur, avec son enthousiasme et, malgré trente années d’expérience dans l’organisation, ses sempiternelles erreurs de jeunesse, à commencer par le manque de concertation.

Tout va se jouer à 450 mètres de distance. Côté Capucins, au Novo Lokal, ce sera une étape de la tournée commune Mandibula & Neige Morte, sur la route de leur expédition espagnole. Neige Morte (de Lyon, avec quelques Suédois à l’intérieur) jouent du post-black metal. Mandibula jouent plutôt du death metal, curieuse mais sincère activité récréative pour ces musiciens déjà vus dans La Colonie de Vacances ou Les Agamemnonz… Les deux groupes ont une approche noise qui les rend tout à fait singuliers.

Côté Victoire, à L’Antitode, l’affiche est faite de Sordide (black metal), ultime date de leur tournée L’Automne en noir. Le groupe vient de Rouen mais attention : si vous tapez « sordide » et « Rouen » sur un moteur de recherche, vous tomberez sur tout autre chose, à savoir le récent procès de femmes criminelles surnommées, eu égard à leur modus operandi, « les démembreuses ». Pour rester dans le champ lexical, retenons que Mortuaire ouvrira pour Sordide. Mortuaire est un projet death metal bordelais à suivre (déjà auteur d’un EP vinyle dont une seule face est pressée), avec notamment un batteur et un guitariste déjà à l’œuvre chez Year Of No Light.

Cheval mort gonflable à Villefranche-de-Lonchat


Samedi 11 novembre, à Villefranche-de-Lonchat (Dordogne), l’essentiel de l’activité de la matinée se passera sans doute près du monument aux morts, où, sculptée dans le bloc quadrangulaire du calcaire, une femme debout étreint le casque avec écharpe de son époux tombé pro patria.

Le soir : cérémonie de tout autre contexture, laquelle démarrera dans l’Espace culturel, au niveau du carrefour à l’entrée de la commune quand on arrive de Minzac par la RN 10, équipement inauguré au cœur de l’été 2015, le préfet de la Dordogne étant représenté par le sous-préfet de Nontron, Hervé Bournoville, après avis favorable des architectes des Bâtiments de France, et réhabilitation de cette ancienne grange qui eut longtemps servi de salle des fêtes (désormais transférée dans le bourg), mais aussi d’entrepôt et même de parking pour les véhicules de la Poste.

À partir de 18h30, il s’y donnera une représentation de L’Encyclopédiste, fantaisie de Frédéric Danos, seul-en-scène à la durée annoncée d’une heure avec nota bene que « cela pourrait continuer plus longtemps ». Mais ce qui nous retient au niveau des musiques amplifiées et actuelles, c’est en quelque sorte l’after, puisque la soirée se poursuivra à partir de 20h30 au Bateleur (20, rue Michel-Montaigne), bar étonnant, avec son cabaret drag show semi-permanent et ses gros animaux empaillés en embuscade dans l’arrière-salle.

On y entendra la poésie sonore bruitiste de Julie Desk et un concert d’Inflatable Dead Horse, combo folk punk dit « de gouttière », fondé par des Gallois partis s’exiler à Toulouse pour des raisons qu’eux-mêmes semblent avoir oubliées, s’attachant à interpréter des morceaux qu’ils aiment à croire qu’ils leur ressemblent, c’est-à-dire vivants et sensibles, et qui seraient aussi parfaitement adaptés, par exemple, pour ambiancer des funérailles. Tous ces spectacles sont à prix libre, soyez généreux.

Transpirations de Lysistrata à Pau


Tels de véritables espions conduits en TER, les yeux bandés, jusqu’à une gare reculée, presque perdue, entre La Mothe-Saint-Héray et Saint-Hilaire-Brizambourg, il nous a été permis d’écouter en avant-première le nouveau répertoire du groupe Lysistrata, héros et ambassadeur des musiques indépendantes d’expression rock du territoire néo-aquitain (« le trio transcende les étiquettes habituelles du post-hardcore et du noise-rock avec une spontanéité propre à leur jeunesse »).

Il est raisonnable d’espérer un futur disque sur un vénérable label local, mais rien ne sortira avant la fin de l’hiver. D’ici là, la révélation de compositions inédites se fera peut-être en live, le théâtre favori de ces garçons. Placez-vous aux premiers rangs, et réclamez : Lysistrata est invité par le label À Tant Rêver Du Roi à La Centrifugeuse, salle modulable (200 places assises et 400 debout) du service culturel de l’Université de Pau (avec Meule et Princess Thaïland), le samedi 2 décembre et ce concert, aux airs de date isolée, sent l’exclu.

Guillaume Gwardeath

Informations pratiques

  • Mandibula + Neige Morte + guest,
    mercredi 1er novembre, 19h,
    Novo Lokal, Bordeaux (33).
  • Sordide + Mortuaire,
    mercredi 1er novembre, 19h,
    L’Antidote, Bordeaux (33).
    L’Encyclopédiste, Frédéric Danos,
    samedi 11 novembre, 18h30,
    salle culturelle, Villefranche-de-Lonchat (24).
  • Inflatable Dead Horse + Julie Desk,
    samedi 11 novembre, 20h30, Le Bateleur,
    Villefranche-de-Lonchat (24).
  • Meule + Lysistrata + Princess Thaïland,
    samedi 2 décembre, 20h30,
    La Centrifugeuse, Pau (64).

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