À l’affiche de trois scènes girondines ce mois-ci, Mathieu Boogaerts, Nicolas Jules et Véronique Sanson ont chacun longue carrière, succès critique enthousiaste mais audiences diverses.

« Peut-être, je fais fausse piste/Mais j’utiliserais bien/Le mot “minimaliste”/Est-ce que ça vous convient ? » Dans la chanson Na na na, écrite par Vincent Delerm, qu’il a créée avec lui, Mathieu Boogaerts se moquait (avec raison si souvent) des journalistes et de leur fétichisme des étiquettes, cases où bien ranger chaque chanteur. « Et je suis sorti en regrettant/De ne pas avoir répondu : “Na na na na na na”/J’ai marché sous la pluie en refaisant/Une réponse mieux foutue : “Na na na na na na” », ponctuait l’auteur de Las Vegas, titre qui l’a fait connaître en 2002.

Vingt ans plus tard, Boogaerts et ses huit albums sont une référence pour une palanquée de collègues, un onguent rieur pour un public ténu mais à la fidélité d’airain. Le mélodiste adore frayer avec les rythmes afro-latinos, écrins chaloupés pour des textes au romantisme piégé de constats sans concession sur l’humaine condition. « Je pourrais être Maxime Le Forestier », confiait-il il y a quelques années, doucement aigre et alors londonien.

Guetter le prochain concert de Nicolas Jules avec impatience

En angliche. Il est revenu d’outre-Manche avec un délicieux album En anglais, assumant accent Frenchy, déclinant vraies-fausses bluettes entêtantes. Le collectif Bordeaux Chanson qui fête ses 20 ans et rappelle ses chouchous soutenus depuis 2004, et Boogaerts forcément pour une « carte blanche » dont on attend beaucoup. La veille dans la même salle intime de l’Inox, ne pas louper non plus Bastien Lucas et Thibaud Defever, autres pépites hors circuit NRJ.

Qui a vu et écouté Nicolas Jules, sa tignasse, son blues cascadeur, ses mots aussi loufoques que touchants, guette le prochain concert avec impatience. Lassé de courir après labels et producteurs, le gars est en quasi-complète autarcie et continue à arpenter le pays, souvent accompagné et depuis vingt ans, par le dézingué et épatant batteur girondin Roland Bourbon. La Bordelaise Julie Lagarrigue lui consacre la moitié de son prochain double album à sortir au printemps.

Le Sud-Ouest en biotope accueillant donc ce 17 janvier à l’Entrepôt, salle fidèle au « powête » (album 2008). Comme le Jules, le rendez-vous est du genre décalé parce que s’ennuyer n’est pas une option. Le concert sera dessiné en direct par les crayons et pinceaux de Manon Eyraud et Maxime Garcia, de la compagnie régionale Il était une fois. Soirée unique donc autour d’un auteur-compositeur qui peut intituler deux de ses dix albums La nuit était douce comme la queue rousse du diable au sortir du bain et Douze oiseaux dans la forêt de pylônes électriques.

Le panache de Véronique Sanson

Ces artistes plus confidentiels seront-ils à l’Arena de Floirac douze jours plus tard ? Bien possible, tant Véronique Sanson, en 55 ans de carrière, a rallié tout le monde à son panache blond, à ses embardées funk et ses balades piano-solo, à ses choix et ses excès de femme libre avant toutes les révolutions féministes, à sa vie qui fait partie de la nôtre à l’instar de Birkin, Hardy et consœurs, Barbara en initiale effrontée.

La musicienne et autrice n’a pas sorti d’album depuis 2016 (Dignes, dingues, donc…) mais elle est sur les routes depuis deux bonnes années, tout heureuse d’avoir toréé un cancer de la gorge, toute pimpante après des années à batailler avec le syndrome Renaud. Les deux septuagénaires sont revenus à l’essentiel, la scène, et Sanson doit en être à sa dixième date blindée dans notre région depuis 2021.

La daronne artistique d’une famille où l’on trouve Jeanne Cherhal ou Juliette Armanet se promène avec une dizaine de musiciens pour envoyer du groove californien quand il le faut sur cette tournée Hasta luego, titre aussi inédit co-écrit avec l’incontournable Vianney avec qui la Véro travaillerait à son nouvel album. Comme dans Signes, autre nouveauté dévoilée, l’introspection lucide, thème récurrent de sa discographie, est de rigueur. Mais Chanson pour une drôle de vie, Vancouver, Bahia ou Ma révérence ont intérêt à être de la fête, cornegidouille !

Yannick Delneste

Informations pratiques

Bastien Lucas & Thibaud Defever,
vendredi 12 janvier, 20h30,
Inox, Bordeaux (33).

Mathieu Boogaerts,
samedi 13 janvier, 20h30,
Inox, Bordeaux (33).

Nicolas Jules,
mercredi 17 janvier, 20h30,
L’Entrepôt, Le Haillan (33).

Véronique Sanson,
lundi 29 janvier, 20h,
Arkéa Arena, Floirac (33).

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