Avec La Visitation, son centre culturel dédié aux arts visuels, la Ville de Périgueux passe à la vitesse supérieure. Rodolphe Delcros, adjoint à la culture, revient sur cet ambitieux chantier.

Qu’est-ce que le centre culturel La Visitation ?

Un équipement municipal accueillant en son sein le conservatoire de musique, l’école municipale d’arts plastiques, ainsi que les nombreuses activités d’associations culturelles. Situé dans l’enceinte d’un ancien couvent, il possède deux espaces d’exposition, dont une chapelle désacralisée.

Nous souhaitions effectuer un repositionnement de ce lieu. Aussi avons-nous procédé à un appel à projets « local » en direction des artistes du territoire pour une exposition d’un mois, et un appel à projets à vocation nationale, avec deux temps d’exposition de deux mois chacun, au printemps et à l’automne. Enfin, il y aura un temps dédié, chaque été, cette fois-ci au Musée d’Art et d’Archéologie du Périgord.

Nous mettons à disposition un budget de production de 1500 € et un budget de monstration de 2000 € dans le cadre de l’appel à projets national. Pour cette première édition, nous avons reçu 250 candidatures ! Le jury composé notamment de Marie-Anne Chambost (POINTDEFUITE), Denis Driffort (Pollen à Montflanquin) et du sculpteur Pierre Labat a distingué Keita Mori.

Quel est le projet qui sous-tend cette structure culturelle ?

Le souci de « monter en exigence » sur le lieu par rapport aux conditions de monstration avec une nouvelle salle d’exposition. Par ailleurs, nous avons élevé de nouvelles cimaises afin d’accueillir, enfin, des grands formats.

La Visitation incarne-t-elle la volonté d’une politique de soutien à la filière des arts visuels ?

Absolument car ces derniers ont longtemps été le « parent pauvre » à Périgueux. Les salles temporaires du MAAP, qui en accueillent, sont beaucoup trop petites. Avec La Visitation, voici le temps d’un nouvel élan pour la création contemporaine. C’est à la fois un héritage, le lieu fonctionne depuis 20 ans, et la volonté d’un projet de politique culturelle dans le choix d’artistes locaux et nationaux. Initier un appel à projets dédié aux artistes nationaux permet également d’envisager de présenter d’autres médiums, d’autres pratiques.

La Visitation est un lieu très fréquenté par un vaste public, donc le volet médiation, notamment les ateliers à destination du jeune public, s’envisage désormais tel un nouveau temps de partage lors de la présence des artistes à Périgueux.

Dans le cadre des 120 ans du MAAP, en 2023, vous avez également lancé un appel à projets, pourquoi ?

Il y a toujours eu quelques chemins de traverse, mais, dorénavant, chaque année, nous aurons une proposition destinée à valoriser son inestimable fonds. Nous allons proposer un commissariat qui jettera un regard sur les 45 000 artefacts en réserve afin d’établir une sélection pour construire un dialogue ou confronter avec le regard d’artistes contemporains. Une espèce d’aération et un moyen de sortir ces trésors des réserves pour les montrer au public.

Le MAAP, c’est 4 500 m2 — le plus grand bâtiment de la ville de Périgueux—, or le public n’a accès qu’à 2 200 m2 Nous avons un vaste projet de musée que l’on pourrait qualifier de « porte d’entrée » dans l’histoire de Périgueux. La Ville a préempté un bâtiment de réserves externalisées de 2 500 m2 dans le cadre d’un vaste plan de rénovation. Le MAAP est un bâtiment du XIXe siècle qui doit absolument entrer dans le XXIe. Nous avons rencontré l’assentiment et le soutien de la DRAC et du préfet de Région.

Keita Mori et l’accident dans le dessin

Natif de l’île de Hokkaido, au Japon, Keita Mori vit et travaille à Paris depuis 2004. Après des études à la Tama University of Art de Tokyo, il complète sa formation à l’Université de Paris VIII, puis à l’École nationale supérieure des beaux-arts de Paris.

Keita Mori réalise ses dessins avec une technique particulière développée depuis 2011 : des fils tendus — coton, soie ou métal — sur le papier avec un pistolet à colle. Ainsi crée-t-il des espaces, par accumulation et enchevêtrement des fils : objets, systèmes dans lesquels les fissures — ou « bugs » tels qu’il les appelle — révèlent des espaces éclatés, en mouvement, comme provisoires. 

« L’image évoque une forme architecturale, géométrique, or, je dessine un dessin qui n’a pas d’esquisse, directement au mur sur place. Aussi chaque image possède-t-elle un processus unique : je dessine d’abord de petites formes dispersées un peu partout au mur, et j’essaie de les relier. Si l’on observe le dessin, l’image paraît systématique mais pas du tout exacte. On est face à l’accumulation de l’inexactitude. Il y a de l’accident dans le dessin ; je laisse ce type d’erreur car ce sont elles qui génèrent l’image. »

Une exposition personnelle au Drawing Lab Paris en 2017 lui a été consacrée pour l’ouverture du centre. Il a participé à de nombreuses expositions — Musée d’art contemporain de Tokyo ;; National Art Center, Tokyo ;; Kunstmuseum Wolfsburg, Wolfsburg ;; Aomori Contemporary Art Centre, Aomori, Japon — et ses œuvres ont intégré plusieurs collections privées et publiques dont « 1 immeuble, 1 œuvre » sous l’égide du ministère de la Culture et du Fonds de dotation Emerige, à Massy ; le FRAC PACA ; ou le Frac Nouvelle-Aquitaine MÉCA.

Pouvez-vous nous présenter le travail du lauréat ?

Après des années de dessin, Keita Mori, artiste japonais, qui vit et travaille à Paris, utilise désormais le fil, la ligne et fait des créations in situ. Sa proposition nous a séduits car, dans sa note d’intention, il a tout de suite saisi le caractère spectaculaire du lieu ; un espace plutôt rare pour un artiste.

Il va investir la chapelle dans son intégralité tandis que ses travaux vidéo et ses petits formats occuperont l’autre salle. C’est une fierté de l’accueillir. Nous sommes confiants car l’automne dernier, l’exposition « Not a Word » de Gaël Bonnefon a rencontré un vif succès, preuve que La Visitation est bien identifiée.

Propos recueillis par Marc A. Bertin

Informations pratiques

« Diagramme des nuages », Keita Mori,
jusqu’au samedi 29 juin,
La Visitation–centre culturel, Périgueux (24).

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