À l’occasion du deuxième « Mercredi Photographique » de la saison 2023, mercredi 28 juin 2023, l’association Cdanslaboite présente à La Maison Bourbon, à Bordeaux, les travaux de Valentine de Villemeur, Bernadette Loupias, Alexandre Bertrand, Lionel Molina, et Anton Delsol. Ce dernier passe à la question.

Comment vous êtes-vous retrouvé dans le cadre de cette exposition du « Mercredi Photographique » ?

Tout simplement à la suite d’un appel à contribution. Ma candidature à été sélectionnée, puis retenue. J’avais adressé 50 photographies, 14 sont présentées.

Comment appréhender cette proposition ?

Précision, ce n’est pas une rétrospective, plutôt une thématique autour du rêve, façonnée entre 2015 et 2021, toutefois, ce corpus est un florilège d’images prises durant une décennie. Ce parti-pris est le fruit de mes insomnies. En effet, dormant peu, mes rêves sont rares et d’autant plus leurs souvenirs.

Toutefois depuis des années, je me force, au réveil, à consigner dans un carnet les bribes de ces rêves que j’essaie, par la suite, de mettre en images comme une sorte de palimpseste. En réalité, je sculpte des images mentales. Je m’imprègne d’images lors du tirage, je m’en nourris et en crée d’autres. C’est de la poésie visuelle car je tente de retrouver quelque chose d’invisible. J’ai rêvé pour voir apparaître ces photos.

Sans risque de se tromper ? La mémoire nous joue des tours, non ?

Il y a toujours des interstices durant une session. On peut se planter, mais l’accident fait part entière du travail : plus de lumière, plus de flou, or le flou crée à son tour de nouvelles images. Mais mon but demeure intact : une poésie documentaire du sensible.

Avec quel matériel travaillez-vous ?

Un Fuji X-T3, dont la particularité est de se rapprocher de l’argentique avec une simulation de films d’une qualité supérieure à d’autres modèles équivalent.

Pourquoi le choix du numérique ?

Car cela offre le luxe de la quantité, on jouit d’une plus grande liberté.

Comment se déroule une session ?

Durant trois heures, je shoote entre 500 et 1 000 images. Et, quand, on baisse la garde, de nouvelles images apparaissent. J’apprécie l’intimité, l’énergie brute. C’est un acte physique en somme.

Qui sont vos modèles ?

Uniquement des amateurs, ainsi nos collaborations ne sont pas soumises à des rapports d’argent ou de domination. Ces modèles viennent à moi car ils se retrouvent dans mon travail et posent leurs propres limites. Je recherche une diversité des corps. Ma matière, c’est de l’humain qui se met à nu.

J’ai pour coutume de dire : « Je prends ce que tu donnes. Je donne ce que j’ai reçu. »

Anton Delsol

L’humeur de votre travail est assez noire

Sur Instagram, on utiliserait volontiers #sombermood ou #darkaesthatic. Je suis effectivement sensible à l’esthétique de la ruine. Je recherche en permanence des endroits désaffectés, abandonnés. Je suis attaché à la notion du temps qui passe et amateur de vestiges. Et, dans ces ambiances, les modèles perdent la notion du temps. C’est bénéfique à la mise en scène. Je profite par ailleurs de mes explorations pour photographier les arbres, la forêt, les animaux, la nature…

… un registre loin de celui du portrait.

Oui, c’est difficile de faire parler un paysage même si les bords de Garonne ou de Charente m’inspirent. Tout est histoire d’errance photographique. Partir mais avec néanmoins un but tel un chasseur de lumière. On ne perd jamais son temps : l’appareil sublime les choses, y compris les plus banales.

Vous semblez toutefois plus inspiré par le studio.

Le rapport est différent en extérieur. Je privilégie de plus en plus les intérieurs car je travaille la relation entre le corps et l’espace.

Des influences ?

Félix Arnaudin, Pierre Molinier, Michael Ackerman, Antoine d’Agata, Ernest Joseph Bellocq, Joel-Peter Witkin et la plus grande de toutes : Francesca Woodman.

Pratiquez-vous tous les jours ?

Je n’en ressens pas le besoin ni ne transporte d’appareil sur moi au quotidien. J’alterne phases de création et de latence ; ce qui permet de nourrir la « machine ». Quant au téléphone, c’est simplement un bloc-notes.

Appréciez-vous d’être exposé ?

Tout photographe a besoin d’exposition, d’ouvrage. Une session photo, c’est du live : on part de zéro et on crée façon work in progress. Et les instants « morts » servent de ponctuation.

Propos recueillis par Marc A. Bertin

Informations pratiques

Mercredi Photographique #56 : Alexandre Bertrand, Anton Delsol, Bernadette Loupias, Lionel Molina, Valentine de Villemeur,
mercredi 28 juin 2023, 18h-22h, Cdanslaboite – Pôle Image,
Maison Bourbon, Bordeaux (33).
18h30 : Visite des expositions en compagnie des photographes

Le recueil de photographies d’Anton Delsol, L’attrape rêves est disponible à la commande sur ce site.

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