La renaissance du Bistrot Cheverus, pilier des restaurants du centre de Bordeaux, est plus que louable tant la proposition ravit les papilles.

Il faut dire que l’on suit le parcours sans faute de Laurent-Pierre Bordenet depuis Black List, vrai coffee shop survolant alors l’indigente concurrence mue par le petit sou. Puis, il y eut Horace (anciens Mots Bleus), cantine healthy à souhait et franche réussite. Désormais, après moult atermoiements, le gastronome entrepreneur poursuit son Monopoly® à Pey-Berland, à l’ombre de la cathédrale et du palais Rohan.

L’occasion était trop tentante tant l’adresse en coin de rue a connu des belles années, y compris, jadis, sous enseigne La Vérité (vague héritage d’un navire venant souvent mouiller au Port de la Lune). Las, elle n’a pu survivre aux soubresauts de la pandémie, mais peut enfin regarder le futur les yeux dans les yeux.

Le Bistrot Cheverus s’affiche en “cantine de quartier” à Bordeaux

Donc, le Bistrot Cheverus s’affiche en « cantine de quartier », 60 couverts et terrasse rue du Loup, de 8h à minuit, du crème et croissant au night cap racé du genre Old Fashioned. Et place au spectacle quand midi retentit entre menu hebdomadaire (entrée/plat ou plat dessert à 21€ et la totale à 26€), carte à l’ancienne (os à moelle, tartare de canard, cordon bleu, andouillette AAAAA, bavette).

Ce jour-là, que de choix cornéliens : poireaux vinaigrette (6,50€) ou œufs mayo (6€) ? Paleron de bœuf et mousseline de carottes (17€) ou légumes rôtis, yaourt à l’ail, jaune d’œuf et huile d’herbes (16€) ? Île flottante ou brioche régressive (9€) ? Le temps d’un bock de Saint-Omer, perdu dans la contemplation des murs couleur menthe à l’eau et d’une carte des vins sérieuse, où les rouges sont en force, on a coché toutes les premières options. Les poireaux HYPER bien cuits, rehaussés d’œufs mimosa, pickles de chou rouge et de pesto ont préparé le palais. Belle balance, impeccable assaisonnement et du croquant sous la dent.

Pour l’instant, honneur aux canons à la française le soir

Les fleurs sur le comptoir, les chaises en bois et les tables cerclées de laiton rappelaient qu’au-delà du soin ici apporté, le patron est un homme de goût. Confirmation avec ce paleron effiloché uni à la vie avec cette mousseline aérienne aux subtiles notes de cumin. Festival de textures, onctuosité. Le dessert, lui, merveilleux, mousseux, léger, sublimant la noisette et son intitulé, mérite la première place du podium de ce classique outrageusement humilié par des barbares dans 99% des bouclards.

Bristrot Cheverus ©Riberiro Santos

Et le soir ? C’est à l’étude comme le retour du fish & chips. Pour l’instant, honneur aux canons à la française. Le tout sans trop de chichis en tentant de tenir des tarifs raisonnables malgré des provenances 100% hexagonales. « Évidemment, avec une licence IV, on sert plus de viandes et de frites que chez Horace. Nulle contradiction, mon truc, ce sont les ris de veau, la tête de veau, la langue de bœuf, la gribiche. La vraie cuisine française, celle que j’aime et aimerai toujours nonobstant les modes et la course à la modernité. »

Tandis qu’un groupe de clientes évoquait les profiteroles avec des étoiles dans les yeux et des trémolos dans la voix, et Uncertain Smile (I’ve got you under my skin where the rain can’t get in/But if the sweat pours out/Just shout/I’ll try to swim and pull you out) en fond sonore, le café agissait tel un puissant révélateur. « La vérité, les sauces, ça m’excite énormément. » De la part d’un restaurateur qui entend rendre ses lettres de noblesse au pichet de vin sur la table, que dire ? Chapeau bas.

Marc A. Bertin

Informations pratiques

Le Bistrot Cheverus
81, rue du Loup
33000 Bordeaux
Du mardi au samedi, 8h-minuit, réservations : 05 56 38 82 39.

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