La compagnie Les Limbes crée une performance participative du contact et de la lenteur, avec le slow comme motif. Première invitation bordelaise à entrer sur la piste au Marché de Lerme, pendant le festival Trente Trente.

So slow se définit comme une performance pluridisciplinaire, participative, qui privilégie le contact et le toucher. D’où est née l’envie de se référer au slow, cette danse très normée ?

Romain Jarry : La compagnie Les Limbes a eu 20 ans en 2021. L’un des traits de notre langage scénique se trouve dans une certaine distorsion du temps, un rapport à la lenteur. En sortant du Covid, nous nous sommes demandé comment, après cette période de distanciation physique et sociale, retrouver une forme de chaleur humaine par la danse et par le slow.

Loïc Varanguien de Villepin : Dans nos performances, la parole a souvent été travaillée dans une grande proximité avec le public, là on va jusqu’à le prendre dans nos bras, dans une relation qui casse la frontalité et construit un espace sensible et sensoriel. On part du slow, et des standards musicaux qui y sont associés, pour mieux s’en éloigner et construire un lieu refuge de douceur et de lenteur, hors du bruit du monde. On va glisser des stéréotypes de la séduction et de la drague vers une forme de fraternité.

R.J. : Le slow est aussi une danse très hétéronormée, on va donc faire affleurer d’autres types de couples, peut-être même sortir du duo.

Huit performeurs — danseurs, musiciens, chanteurs, plasticiens — invitent le public à les rejoindre. Comment avez-vous pensé cette rencontre et son cadre ?

R.J. : Nous imaginons une piste de danse en permanence occupée, des actions performatives de diverses natures, des invitations au public à danser avec nous, tout en incluant d’autres actions comme lire un poème au creux de l’oreille ou chanter.

L.V.d.V. : Nous souhaitons les inviter avec délicatesse et dans une grande fluidité, sans injonction. Nous sommes encore en recherche, et nous imaginons recourir par exemple à la méthode Feldenkrais pour mettre en disposition le public. Une préparation sensorielle qui pourrait aider à se détourner de l’enjeu de la séduction pour aller vers une attention à la sensation.

Pour Trente Trente, la performance — encore au travail — aura lieu au Marché de Lerme, une salle aux contours circulaires. Avez-vous déjà imaginé un cadre et une ambiance lumineuse précise ?

R.J. : On est plutôt dans une adaptabilité du projet qui sera tantôt joué sur des scènes, avec le public avec nous sur le plateau, tantôt dans des salles des fêtes. Pour le moment, le dispositif est circulaire, avec des chaises où performeurs et spectateurs sont assis.

L.V.d.V. : Sans surprise, pour la lumière, il y aura une ou plusieurs boules à facettes ! On a convié Serge Damon à créer une sorte de tapisserie lumineuse qui entourera le public, permettra de déréaliser l’espace et de s’accorder aux musiques que nous proposons.

Quelle sera la playlist des standards choisis ?

L.V.d.V. : On préfère ne pas les dévoiler pour garder l’effet de surprise ! Ces morceaux hyper connus évoquent une mémoire très forte, amènent à un temps commun partagé assez puissant. A priori, il n’y aura pas de musique live, mais nous avons demandé à Matthieu Guillin, qui est aussi bien technicien du son que compositeur électroacoustique, de nous composer un slow.

R.J. : Des textes seront aussi présents, on a passé une commande à David Sanson pour écrire une histoire du slow, ces mots-là prendront place parmi d’autres matières poétiques.

Plus de 20 ans après sa création, où en est la compagnie Les Limbes et vers où se dirige-t-elle ?

R.J. : La compagnie est toujours basée à Bordeaux même si Loïc mène une aventure en Ariège, les Bazis, un projet orienté vers la danse et la performance. Quant à moi, j’ai eu une aventure bergeracoise — d’abord comme directeur artistique de la Gare Mondiale, puis comme artiste associé — qui s’est terminée en fin d’année.

L.V.d.V. : Les années qui viennent ouvrent une page où nous avons envie de nous associer à d’autres artistes, de projets qui ouvrent les champs des arts vivants.

R.J. : Oui, des projets qui se nourrissent des personnalités des personnes conviées, qui ont elles aussi des activités de création.

Propos recueillis par Stéphanie Pichon

Informations pratiques

So slow, Cie Les Limbes,
mercredi 17 janvier, 18h45 et 21h,
Marché de Lerme, Bordeaux (33).

Trente Trente,
du mardi 16 janvier au vendredi 2 février,
Bègles, Bordeaux, Le Bouscat (33), Boulazac (24).

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