Récits de soi, mises en abîme personnelles, plongeons autofictionnels et proximités sensorielles. L’intime résonne haut et fort sur les scènes en cette rentrée. De Limoges à Poitiers, en passant par Blanquefort, revue de seules-en-scène.

Élise, ou la vraie vie

Élise Noiraud a grandi à Niort, puis a filé à Paris pour étudier le théâtre, devenir comédienne, monter sa compagnie, créer des spectacles. La vie quoi, la sienne, qui est devenue un peu la « nôtre », depuis qu’elle a décidé d’en faire un spectacle-saga.

Tout est parti de La Banane américaine, en 2011, où son double fictionnel, Élise, 9 ans, raconte ses sentiments, son horizon borné par l’école et la famille, croque les êtres qui peuplent sa vie avec panache et mordant. « Elle me ressemble beaucoup et en même temps c’est un personnage, ce qui lui arrive emprunte beaucoup à l’imaginaire. Il est question d’autofiction, d’emprunter au réel pour créer de la fiction et trouver ce point d’universel », explique-t-elle.

En 2011, Élise Noiraud était loin d’imaginer qu’elle se lançait dans une véritable saga qui aurait des suites : le céline-dionesque Pour que tu m’aimes encore, focus sur son entrée dans l’adolescence, puis Le Champ des possibles, où étudiante à Paris, la vie s’ouvre grand à elle. Cette trilogie du devenir grande, qui a désormais tourné sur toutes les scènes, d’Avignon au Théâtre du Rond-Point, a mis en lumière cette comédienne hors pair, qui fait du récit du soi un truculent miroir tendu aux autres.

Avec sa plasticité incroyable, elle est capable d’être le corps et la voix d’une multitude de personnages, tour à tour drôles, attachants ou horripilants, son envahissante mère en tête ! Le TAP a la bonne idée de programmer la comédienne, pour une semaine marathon à déguster par épisodes ou à s’enfiler d’une seule traite.

Love stories d’ Adèle Zouane

Cela fait six ans maintenant qu’Adèle Zouane, comédienne originaire de Bordeaux, formée au TNB de Rennes, membre du collectif Bajour, trimbale son seule-en-scène sur les planches de France, avec un succès non démenti.

Les yeux dans les yeux des spectateurs, dans une forme de théâtre-récit épuré qui ne laisse que peu de places aux artifices, elle conte la quête amoureuse d’une jeune femme, des cœurs battants de cour d’école aux flashs adolescents, passant en revue les garçons qui ont compté, pour le meilleur et pour le pire.

Puisant dans ses archives personnelles et lettres d’amoureux matière à enrichir la machine à histoires d’amoouuur, elle envoie valser la quête du prince charmant pour creuser à sa manière le tumulte complexe des sentiments.

À mes amours parle donc d’elle, beaucoup, mais pour mieux faire résonance avec les histoires des autres ! « Je viens partager ma vision de l’amour pour que les spectateurs puissent peut-être se reconnaître dans cette intimité dévoilée. Les inviter à se replonger dans leurs propres questionnements : réentendre ceux qu’ils ont déjà résolus, en ouvrir d’autres, se sentir loin ou proche des miens. »

Avec ce tout premier texte bien à elle, Adèle Zouane allie la finesse du récit à l’espièglerie, tout en gardant l’authenticité en ligne de mire. Déjà vu à Chahuts ou au théâtre des Beaux-Arts, c’est justice qu’il se retrouve sur une scène nationale de la ville où elle a grandi.

Trilogie iranienne

L’auteur et metteur en scène d’origine iranienne Gurshad Shaheman a fait de sa vie la matière de certaines de ses créations inclassables (Les Forteresses, Sur les traces…) performances de la proximité et du sensible qui aimantent une variation de gestes triviaux et d’images poétiques. C’est aussi et surtout un conteur/auteur remarquable, une écriture qui embrasse le quotidien comme le mythe. Le Théâtre de l’Union, auquel il est associé, propose la performance qui l’a fait connaître, son premier texte aussi, Pourama Pourama commencé en 2012.

Cet exercice d’autoportrait remonte le fil de la construction de soi en trois épisodes, trois espaces-temps, trois Gurshad différents : celui de l’enfance en Iran avec un père autoritaire ; celui de l’arrivée en France à 12 ans, avec sa mère divorcée ; celui des rencontres érotiques, de sa vie amoureuse agitée à l’entrée dans l’âge adulte.

Désireux d’engager une relation corporelle avec le public, il se fait immobile et muet, dans Touch Me, autorisant le public à venir le toucher ; il se met aux fourneaux en robe noire à talons aiguilles dans Taste Me, cuisinant un repas iranien dégusté sur place ;et rejoint un boudoir rose à franges dans Trade Me qui évoque sa quête d’identité, son éveil à la sexualité et ses relations amoureuses ou tarifées.

Pourama Pourama plonge les spectateurs dans un partage de secrets enfouis et une grande expérience sensorielle de 4h30. En programmant à nouveau cette trilogie, le Théâtre de l’Union réitère ce pacte sensible passé entre l’auteur performer et les personnes rassemblées autour de lui : celui de parvenir à se raconter tout autant que d’être capable de recevoir.

Stéphanie Pichon

Informations pratiques

  • La Banane américaine, Élise Noiraud, mercredi 10 janvier, 19h30,
  • Pour que tu maimes encore, Élise Noiraud, jeudi 11 janvier, 19h30,
  • Le Champ des possibles, Élise Noiraud, vendredi 12 janvier, 19h30,
  • Élise (trilogie seule en scène), Élise Noiraud, samedi 13 janvier, 17h,

TAP, Poitiers (86).

  • À mes amours, Adèle Zouane, du vendredi 12 au samedi 13 janvier,

Les Colonnes, Blanquefort (33).

  • Pourama Pourama, Gurshad Shaheman, du mardi 16 au samedi 20 janvier, 19h, sauf le 20/01, à 18h,

Théâtre de l’Union, Limoges (87).

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