Patrimoine mondial de l’humanité par l’UNESCO depuis juillet 2016, la Cité Frugès élaborée par Le Corbusier, à Pessac se réinvente en s’adaptant aux besoins de ses résidents contemporains.

Ce lotissement de la ville de Pessac, en Gironde, pourrait presque passer inaperçu. Pourtant, caché entre les maisons résidentielles, se trouve un trésor architectural inscrit sur la liste du Patrimoine mondial de Pourtant cachées entre les bâtisses résidentielles se trouvent une cinquantaine de maisons protégées au titre de monuments historiques.

Dans les trois rues composant la Cité Frugès — du nom de son commanditaire, Henry Frugès — se tiennent les premières expériences concrètes des idées du célèbre architecte franco-suisse Le Corbusier, aujourd’hui décrites comme véritables « œuvres d’art à ciel ouvert » par Cyril Zozor, chargé de mission et médiateur culturel.

Le Corbusier : un architecte avec un projet visionnaire

Charles-Édouard Jeanneret-Gris, plus connu sous alias Le Corbusier, est aux prémices de sa carrière d’architecte en 1923. Il vient de publier son ouvrage Vers une architecture, qu’il veut standardisée, s’inspirant de l’industrie et de l’ingénierie.

Sa vision séduit l’industriel bordelais Henry Frugès, qui lui donne les moyens de « réaliser dans la pratique [ses] théories jusque dans leurs conséquences les plus extrêmes ». Commencés en 1924, les travaux des Quartiers Modernes Frugès s’achèveront en 1926

Images d’archives INA – Reportage sur la Cité Frugès du 2 août 1988

La vocation première du projet, selon la commande d’Henry Frugès, est d’offrir aux ouvriers des usines proches un habitat moderne et sain, ce qui explique des innovations mises en place ici comme le chauffage central ou la cuisine fermée. 

Parmi les sept typologies d’habitation initialement dessinées, l’architecte franco-suisse en fera construire quatre –gratte-ciel, zig-zag, arcades et isolée — avec chacune des spécificités techniques. 

La différence dans l’uniformité

En plus de son postulat de départ, il met en pratique ses cinq points de l’architecture moderne — pilotis, toit-terrasse, plan libre, fenêtre en bandeau, façade libre – qu’il théorisera en 1927. Des points qui reviendront de façon récurrente dans le reste de son œuvre comme à la Cité Radieuse de Marseille (1952) ou au Pavillon Le Corbusier à Zurich en Suisse (1967). Un geste précurseur qui fait d’ailleurs partie des 17 réalisations du génial architecte inscrites au patrimoine mondial de l’Unesco en 2016.

Habiter dans une maison de la Cité Frugès pourrait en faire rêver certains. Pourtant, jusqu’à récemment, la physionomie des maisons n’était pas des plus adaptées aux usages actuels des résidents, en raison de murs courbés ou du manque de rangements basiques. « C’est difficile de cacher un aspirateur, de cacher un balai dans les arrondis ou les carrés », reconnaît Colette Auboin, propriétaire dans la Cité, dans le documentaire Le Corbusier de Pessac.

Un futur pas si éloigné

Il semblerait que de nos jours, ces maisons répondent de mieux en mieux aux critères d’habitat actuels. C’est en tout cas ce qu’affirme Cyril Zozor : « Aujourd’hui, on commence à pouvoir revivre de manière tout à fait confortable dans ces espaces. »

Les meubles et objets du quotidien sont moins encombrants, et s’adaptent de plus en plus à la vision qu’avait Le Corbusier. Notre présent semble se fondre dans le moule du futur qu’il avait imaginé. 

Pour autant, vivre dans un tel tableau requiert forcément des devoirs, le premier d’entre eux étant la conservation. Les propriétaires des maisons de la Cité Frugès doivent prendre en charge une partie de la restauration et de l’entretien de ce lieu unique.

Pour les accompagner à entreprendre des travaux, certains leviers financiers sont disponibles comme une aide à la conservation du patrimoine délivrée par l’État. Une nouvelle mouture du fonds d’aide à la conservation est en cours d’élaboration par la mairie de Pessac et devrait bientôt être dévoilée.

En 2024, la Cité Frugès-Le Corbusier demeure un lieu architecturalement remarquable à l’échelle de la région Nouvelle-Aquitaine. Cyril Zozor évoque des chiffres de fréquentation autour de 8 000 à 10 000 visiteurs en 2019. Des chiffres qui devraient sûrement grimper avec la rénovation du musée consacré à la Cité prévue à l’horizon 2027. En attendant, il est toujours possible de (re)découvrir cette « émotion à habiter » à la faveur de son centenaire. 

Louis Colas

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